Initiation aux méthodes intégrées au jardin potager
Chapitre : Biocontrôles
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⇒ L'agroécologie et les services écosystémiques au jardin potager.
L’agroécologie n’est pas un concept récent. Au début du XXe siècle, l’expression agroécologie désigne dans la littérature scientifique des méthodes de protection des plantes cultivées faisant appel à des associations avec d'autres êtres vivants appartenant au biotope local. Avant l’invention des pesticides de synthèse, des chercheurs comme le zoologiste allemand W. Tischler, se tournent vers l’étude du milieu environnant dans l’espoir de trouver des solutions pour réduire les pertes causées par les bioagresseurs. Les haies entre parcelles cultivées sont déjà proposées comme un agent de régulation. Par exemple, les haies composites situées en bordure de parcelles aident à réduire la progression de certains ravageurs comme le psylle du poirier.
Au fil du temps, le concept d’agroécologie évolue pour devenir un concept fourre-tout où se côtoient différentes disciplines scientifiques, philosophiques et pseudo-scientifiques. Des auteurs introduisent dans la définition de l’agroécologie la nécessité de former des agrosystèmes résilients reposant sur des connaissances agricoles traditionnelles et plus récentes. Différents courants se réclamant de l’agroécologie apparaissent incluant des pratiques mystiques dans un contour antiprogressiste et le refus de techniques innovantes en agronomie. Pour citer quelques exemples : l’un des porte-parole les plus connus de l’agroécologie, le paysan et écrivain Pierre Rabhi est un adepte de l’agriculture biodynamique et de la décroissance. José Bové autre leader de l’agroécologie, s’est distingué en précisant lors du colloque « Défaire le développement, refaire le monde » (mars 2002), qu’il faut « en finir avec l’idéologie du progrès » (1).
Depuis quelques années l’expression "agroécologie" a fait son chemin au sein d'institutions comme l’INRA. Le site du Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation précise sur son site internet que « l’agro-écologie est une façon de concevoir des systèmes de production qui s’appuient sur des fonctionnalités offertes par les écosystèmes » (2). Cette définition d’une agroécologie plus scientifique veut concilier pratiques agricoles et défense de l’environnement en tirant profit des services écosystémiques. C’est aussi l’objectif des méthodes intégrées en agriculture où les services écosystémiques ont acquis une place importante. Mais les pratiques reposant sur des allégations pseudoscientifiques et mystiques ne sont pas retenues en agriculture intégrée et elles ne sont donc pas exposées sur ce site internet.
Avant d’aborder les avantages des services écosystémiques en agriculture, j’invite le lecteur de ces lignes à prendre connaissance de quelques définitions importantes qui lui permettront de comprendre plus facilement les interactions entre bioagresseurs et leurs prédateurs.
Il n’est pas rare de lire dans certains articles de presse ou des forums traitant de la biodiversité ou de l'agroécologie, que dans la nature les écosystèmes finissent par s’équilibrer. Il ne faut pas intervenir contre les bioagresseurs avec des produits chimiques et il suffit de laisser faire la nature. L’idée d’équilibre naturel a longtemps prévalu en écologie scientifique enseignée à l'université. C’est certainement vrai dans les forêts naturelles, mais, dans un milieu cultivé, il est plus logique de parler d’écosystème dirigé parce que le choix des plantes souvent importées, quand elles ne sont pas modifiées par sélection, répond à des objectifs précis imposés par l'agriculteur ou le propriétaire d'un jardin d'agrément pour nourrir la population ou pour construire un environnement végétal répondant à des tendances culturelles.
Or, faire confiance aux équilibres d'un milieu naturel pour contrôler la pression de tous les bioagresseurs est plus compliqué qu'on pourrait le penser à première vue.
Si l'on prend le cas de la région PACA avec son climat chaud et sec, il est difficile d’imaginer qu’on peut faire confiance uniquement à un ensemble de facteurs naturels intervenant de la forêt jusqu’au potager pour lutter contre tous les bioagresseurs, car l'écosystème d'une forêt méditerranéenne et celui d'un potager sont très différents. La flore et la faune méditerranéenne supportent des sécheresses s’étalant sur au moins 3 mois.
Par contre, la plupart des fruits, légumes et céréales cultivés ont besoin d’apports périodiques en eau. Sauf exception (comme la lavande) les plantes cultivées ne sont pas capables de survivre à un climat chaud et sec s’étalant sur 3 mois. Or, l’irrigation a des conséquences sur l’environnement immédiat. Tous les habitants de cet environnement sont affectés. Certains sont boostés, d’autres ne peuvent supporter les modifications du milieu imposées par le cultivateur. Que peut-on attendre de la forêt méditerranéenne où les habitants sont souvent différents de ceux vivant dans un milieu de culture chaud et humide en déséquilibre constant provoqué par le cultivateur ! Il n’y a que ce dernier qui puisse contrôler ce déséquilibre en agissant sur l'écosystème de son potager (en détruisant par exemple les adventices qui profitent d'un milieu humide, en favorisant la fixation de prédateurs de bioagresseurs...).
Pour autant, certains bioagresseurs et leurs prédateurs peuvent prospérer dans différents écosystèmes comme le puceron et la coccinelle. Une régulation naturelle de certains bioagresseurs dans un potager caractérisé par son biotope humide est donc quelquefois possible à partir d'un écosystème méditerranéen sec et chaud situé à proximité de ce potager, mais pas toujours dans le sens souhaité.
Les paysages agricoles européens ont été modifiés depuis plus de 2000 ans. Au fil du temps, beaucoup d’espèces sauvages et importées se sont adaptées à leurs nouveaux milieux avec pour résultat le développement d’écosystèmes dépendant des activités agricoles. D’autres espèces sauvages se sont raréfiées ou se sont retirées des espaces réservés aux activités agricoles. En France, 60 % de l’espace sont réservés à l’agriculture et seulement 5 % à la biodiversité naturelle. 35 % des zones non agricoles sont sous la dépendance de facteurs anthropiques modifiant la biodiversité.
Quand on défriche une forêt pour introduire de nouveaux végétaux qui n’ont pas demandé à pousser à cet endroit, on perturbe l’équilibre naturel d’un écosystème. Personne ne peut prétendre agir sans conséquence sur l'environnement dès lors que l'on intervient sur ses composants. Planter une seule salade provenant d’une graine sélectionnée interfère déjà dans le milieu environnant parce qu’il faudra travailler la terre que va la recevoir, l’arroser fréquemment pour éviter qu’elle ne dépérisse et interdire aux limaces de la manger à notre place.
Pour les cultures nourricières et notamment les céréales, ce déséquilibre est d’autant plus intense qu’une même variété est reproduite à des millions d’exemplaires dans un même espace induisant une plus grande vulnérabilité à leurs bioagresseurs.
À force de sélections, de mutations, de croisements, les agriculteurs et les ingénieurs agronomes sont arrivés à créer des espèces plus aptes à vivre dans leurs nouveaux milieux, mais sous réserve qu’elles soient protégées et soignées comme beaucoup d'animaux domestiques. Ces espèces demandent toujours beaucoup de soins et elles ont bien des difficultés à survivre seules dans la nature. À de rares exceptions, personne ne les rencontre sur les bords des routes et des chemins.
L’impact sur l’environnement de l’activité des jardiniers amateurs et des agriculteurs a lieu dans deux directions :
- Sur le biotope (a) quand sont répandus des amendements et des engrais.
- Sur la biocénose (b) par modification des différentes espèces végétales et animales.
On peut regretter ces conséquences, mais, si demain on décide d’abandonner les activités agricoles pour être plus en phase avec les préoccupations des militants de la naturalité et revenir à une biodiversité spontanée, il faudra convaincre 65 millions de Français de revenir au mode de vie de l’homme de Cro-Magnon, c.-à-d. trouver sa pitance par la cueillette et la chasse. Faudrait-il encore que la totalité du territoire français (reboisé pour abriter des animaux redevenus sauvages) soit suffisante pour nourrir toute cette population. Est-ce raisonnable ? Qui est prêt à tenter ce retour en arrière ?
Il est évident que l’agriculture a un impact sur la biodiversité s’accompagnant d’une réduction de la population de certaines espèces indigènes. Que le système de culture soit conventionnel ou bio, on se retrouve toujours avec une perte de biodiversité pour une raison toute simple ; la biodiversité animale d’un écosystème est elle-même très liée à la biodiversité végétale. Or dans une parcelle agricole, la biodiversité végétale est forcément réduite par l’agriculteur qui cherche à implanter que des espèces nourricières forcément moins nombreuses (pour les céréaliers, c'est même une seule espèce).
Dans certaines régions agricoles, les pratiques intensives ont entraîné une perte d’habitat pour certaines espèces provoquant leur déclin. Par exemple, l’application étendue d’herbicides très bénéfiques pour la culture du colza a contribué indirectement au déclin des pollinisateurs par élimination d’habitats semi-naturels autour des champs agricoles dans les périodes où il n’y a pas de floraison du colza. Or, ces habitats semi-sauvages où prospèrent différentes espèces végétales fournissaient des ressources florales aux pollinisateurs avant et après la floraison des cultures (3).
Selon certains auteurs, d’une manière générale, l’intensification croissante des pratiques agricoles se concrétisant par la diminution des fermes de polyculture-élevage au profit de grandes monocultures spécialisées s’est traduite par une baisse de la biodiversité notamment par un déclin des populations d’insectes, d’oiseaux, d’arthropodes et d’animaux supérieurs comme le hérisson (4). A l’échelle planétaire, la perte de biomasse serait de l’ordre de 25 % par décennie. Cependant, si on prend le cas des insectes, ces derniers sont encore très peu étudiés. Par exemple 3 % des arthropodes sont connus. Des études approfondies effectuées par Klink sur la biomasse et les insectes permettent d’établir un tableau plus nuancé que celui prévu par les extrapolations. Des cas inverses sont même signalés, par exemple une augmentation de l'abondance des insectes d'eau douce de l’ordre ~ 11% (5)
L’agriculture n’est pas la seule cause de la raréfaction de certaines espèces animales. Des ornithologues déplorent les modes de construction moderne dans nos villes et villages. Pour citer un exemple, en région PACA, la pression foncière, la fragmentation de l’habitat et les pratiques agricoles ont réduit de 29 % les espèces spécialisées des milieux forestiers, de 25 % les espèces spécialisées dans les milieux agricoles et de 34 % les espèces spécialisées dans les milieux bâtis (6).
Pour autant, il existe aussi des observations qui montrent que dans d’autres zones cultivées, ou suite au retour des forêts, à l’aménagement des cours d’eau, à la multiplication des jardins d’agrément en ville ou chez des particuliers, la biodiversité s’est enrichie par adaptation progressive de nouvelles espèces. Partout où l’homme s’est installé, une nouvelle biodiversité s’est constituée au fil du temps, et cela, depuis que l’agriculture existe c.-à-d. depuis des millénaires.
Alors, peut-on espérer profiter en agriculture des services écosystémiques que cette nouvelle biodiversité est encore capable de nous offrir ?
Tout dépend de la manière dont on exploite les ressources que nous offre la nature. L’objectif étant de nos jours de faire en sorte que tout ce qui est retiré soit remplacé par le fonctionnement de processus naturels où l’énergie solaire joue le rôle le plus important. Par exemple, un sol produisant des cultures exportables doit être entretenu pour reconstituer le stock de sels minéraux à l’aide de composts et/ou de couvertures végétales en interculture.
a) biotope : Milieu biologique présentant des conditions de vie relativement uniformes.
b) biocénose : Ensemble des animaux et végétaux appartenant à un écosystème.
Les forêts, les prairies et toutes les autres zones non cultivées sont considérées comme des réservoirs naturels de la diversité du vivant où se côtoient des ravageurs et leurs propres prédateurs. Pour citer un exemple, quand une plante est envahie par des pucerons, la prolifération de ces derniers finit par attirer leurs propres prédateurs (coccinelles, syrphes, cécidomyies, chrysopes... ) ce qui a pour conséquence de réduire en retour la prolifération des bioagresseurs. Un nouvel équilibre s’établit pour corriger un désordre naturel.
Toutefois, ce modèle théorique se révèle souvent instable, surtout dans les zones cultivées. Une instabilité d’autant plus grande que le prédateur du bioagresseur est efficace, donnant lieu au « paradoxe de la lutte biologique » pour la raison suivante :
Quand la population du bioagresseur décroit, c’est autant de nourriture qui disparait pour son prédateur, ce qui à son tour entraine une raréfaction de l’auxiliaire utile qui finit par mourir de faim. Pour cette raison, il est impossible d’obtenir à la fois une réduction forte et de longue durée du bioagresseur. Bien souvent, l’extinction de l’auxiliaire utile (par émigration naturelle dans une région ou famine) est suivie plus ou moins rapidement par le retour du ravageur surtout si celui-ci peut se déplacer sur de longue distance (ce qui est par exemple le cas des pucerons). L’auxiliaire utile revient également, si son nouvel hôte n’est pas situé trop loin et si l’auxiliaire utile est encore suffisamment abondant ; une situation qui dépend de nombreux facteurs changeants et incontrôlables (tel que le climat, l’interaction avec d’autres espèces concurrentes…). Pour citer quelques exemples, combien de fois un jardinier amateur doit faire face en plein été à des attaques massives de pucerons sur des concombres, des haricots, des carottes ! De telles attaques sont possibles jusqu’aux premières gelées du printemps en région PACA susceptibles de produire des dégâts considérables dans les cultures.
Dans certains textes traitant de la biodiversité, il est souvent précisé que plus la diversité des espèces animales et végétales est importante, plus l’écosystème tend vers un équilibre. Dans un milieu bien diversifié, un ravageur aurait plus de chance de rencontrer l’un de ses prédateurs. À l’inverse, tout ce qui réduirait la diversité des espèces dans une zone de biodiversité aurait pour conséquence d’appauvrir une réponse possible des auxiliaires utiles contre une invasion de bioagresseurs. Mais ce n’est pas si simple. Il est maintenant bien admis que ce n’est pas le nombre d’espèces qui conditionnent le fonctionnement d’un écosystème, mais la diversité fonctionnelle et les fonctions que ces espèces remplissent dans l’écosystème (7). Une méta-analyse de la littérature scientifique par des chercheurs français de l’INRAE a montré que si la diversité des arbres protège les forêts contre les attaques d’insectes herbivores, c’est surtout la composition des mélanges (par exemple leur composition en feuillus et résineux) qui protègent les arbres contre les ravageurs (8).
Les différentes variétés d’hôtes capables d’abriter un ravageur et le régime alimentaire plus ou moins étendu des prédateurs de ce ravageur, sont des facteurs importants modulant la population de ce ravageur. La connaissance de ces relations et la manière dont elles se régulent permettent de tirer des conclusions intéressantes pouvant déboucher sur des pratiques réduisant l’impact des bioagresseurs. Pour comprendre les interactions entre hôtes, bioagresseurs et leurs prédateurs, je cite l’olivier comme exemple celui-ci étant très présent en région PACA.
Il est bien connu que le fruit de l’olivier est attaqué par la larve de la mouche Bactrocera oleae pouvant causer des dégâts considérables. Heureusement, pour le cultivateur, mais pas pour la mouche de l’olivier, cette dernière est aussi une proie appréciée par différents prédateurs qui ne sont pas difficiles pour trouver une nourriture de substitution quand la mouche de l’olivier devient rare. Cette particularité intéressante mérite d’être approfondie.
Le pnigalio mediterraneus qui est un hyménoptère parasitoïde de la mouche de l’olivier est connu pour parasiter la teigne du chêne vert ainsi que le coléoptère apion croceifemoratum qui affectionne une plante méditerranéenne : l’anagyre fétide ou bois puant.
Le Psyttalia concolor est un endoparasite connu depuis le début du XXe siècle pour paralyser également les diptères infestant le câprier, le lyciet et le jujubier.
La plupart des insectes nuisibles pour les plantes sont aussi des proies pour d’autres organismes (insectes, verres, bactéries…) et ces derniers, comme leurs victimes, sont quelquefois polyphages. Ce qui veut dire que si ces prédateurs de bioagresseurs ne trouvent pas leurs proies favorites, ils peuvent se nourrir d’autres bioagresseurs parasitant d’autres plantes, ces dernières pouvant alors servir de réservoirs d’insectes utiles. Pour reprendre le cas de l’olivier, certains prédateurs de ravageurs de l’olivier sont connus depuis longtemps. Déjà, certains de ces prédateurs sont signalés dans un ouvrage remontant à la colonisation ou l’auteur (R. Poutiers (9)) préconisait d’associer d’autres arbres fruitiers avec les oliviers et de conserver dans leur voisinage des haies et des buissons pour nourrir les parasitoïdes des bioagresseurs.
En culture maraîchère, il existe aussi des interactions multiples entre bioagresseurs, leurs prédateurs et leurs hôtes. La mouche de la carotte pour citer un exemple peut aussi bien attaquer le céleri, le panais et le persil. Les carabes et les staphylins dévorent les œufs et les larves de la mouche de la carotte. Ces prédateurs sont polyphages et se nourrissent également de divers bioagresseurs, y compris les escargots et les limaces.
Albizia
Encore un exemple très intéressant et bien utile pour toutes les formes de cultures sujettes aux invasions de pucerons :
Il est connu que les coccinelles se nourrissent de pucerons. Quand les coccinelles ne trouvent plus de pucerons, soient elles migrent dans une autre région, soient elles recherchent une proie de substitution dans le voisinage. On peut obliger les coccinelles à rester à proximité d’un potager en leur offrant le gîte et le couvert par la plantation d’une albizia connue pour être souvent envahie d’aleurodes et de psylles (a). Les coccinelles vont alors prospérer dans cette niche écologique (sous réserve de ne jamais utiliser de traitement pour détruire les aleurodes) tant qu’elles n’auront pas épuisé ce garde-manger.
Quand il n'y a plus de proies, les coccinelles migrent vers des fleurs réputées pour les attirer où elles vont se nourrir de nectar. Il est donc judicieux de leur réserver une zone du jardin d’agrément où seront semées des graines de bleuet, aneth, souci, coriandre, tanaisie, géranium, cosmos, achillée, asclépiade tubéreuse, coréopsis….
Dans le cas où des pucerons viendraient à coloniser un potager, il y a beaucoup de chance que des coccinelles adultes migrent vers ce nouveau lieu de nourriture. Si ce n’est pas suffisant, le jardinier peut aussi les transférer manuellement. Les rhododendrons et les azalées (à planter en terre de bruyère et acide), les chélidoines, la menthe et la verveine peuvent aussi être envahis d’aleurodes, de même que quelques légumes (tomates, choux, aubergines, concombres, courges, haricots…) ce qui est préférable d'éviter.
a) Le psylle de l’albizia est un homoptère de quelques millimètres ayant les ailes en toit de vert jaunâtre durant la saison estivale et devenant marron à l’automne. Pour en savoir plus cliquez ici
Larve et coccinelle adulte sur une feuille d’albizia envahie d’aleurodes
Il faut aussi tenir compte des interactions abiotiques favorables ou défavorables le plus souvent incontrôlables (facteurs physiques comme le climat, l'ensoleillement, ressources en eau, le type et la configuration de l'habitat, des pratiques culturales, etc.) qui interviennent également dans le fonctionnement des écosystèmes.
Certaines études sont encore partielles, voire comportant une mauvaise appréciation des auxiliaires utiles et de leurs rôles dans la lutte biologique intégrative. Par exemple le parasitoïde eupelmus urozonus est souvent cité dans certains écrits sur la culture de l'olivier pour ses propriétés régulatrices de la mouche de l’olive. Ce parasitoïde parasite une mouche (myopites stylatus) cousine de la mouche de l’olive qui prospère sur l’inule visqueuse (Inula viscosa), une plante vivace fréquente en région méditerranéenne. Ce parasitisme a lieu en hiver, puis après une période d’hivernage dans le sol, on pensait qu’au printemps l’eupelmus parasite la mouche de l’olive. Des études récentes ont montré qu'il existe plusieurs espèces d’Eupelmus associées à l’olivier et à l’inule visqueuse relativement plus spécifiques à l’hôte contrariant le scénario de contrôle naturel de la mouche de l'olive qu’on imaginait il y a quelques années.
Quand la mobilisation des régulations naturelles dans un paysage cultivé n'est souvent pas suffisante pour réguler des populations de bioagresseurs, on peut aller plus loin par une importation de certains prédateurs indigènes de bioagresseurs dans une zone cultivée.
Cette technique active où l'agriculteur intervient directement dans un écosystème pour réduire la pression d'un bio agresseur est appelée lutte biologique par augmentation. Il s'agit donc d'augmenter artificiellement une population de prédateurs vivant dans la région jusqu'à obtenir une densité qui permet un contrôle satisfait du bioagresseur. Si l'on cherche une régulation dans le temps par un apport non substantiel du prédateur quand il est déficient, ce type de protection des cultures est aussi appelé "lutte biologique par inoculation". La "lutte biologique par inondation" est une variante de cette technique de protection des plantes par une importation massive d'un prédateur de bioagresseur afin d'agir rapidement. Dans ce cas, on essaie d'engager une action curative pour combattre une invasion du bioagresseur à l'exemple d'un pesticide sans en avoir les inconvénients.
La lutte biologique par augmentation est développée dans le chapitre de ce site internet : « importation d’auxiliaires utiles » avec quelques exemples précis pour lutter contre les ravageurs les plus souvent rencontrés au potager.
Pour les bioagresseurs importés accidentellement provenant souvent d'un autre continent, la lutte biologique par acclimatation consiste à identifier un auxiliaire utile le plus souvent provenant de la zone d'origine du bioagresseur puis, de l'introduire dans la zone à protéger. Ce transfert est efficace que si l'auxiliaire utile peut survivre dans son nouvel environnement et ne produit pas un déséquilibre néfaste de la biodiversité locale. Cette stratégie étant plus délicate, les hyménoptères parasitoïdes sont préférés de nos jours dans les recherches en raison de leur spectre d’hôtes plus restreints. Ces découvertes importantes ont montré leur efficacité, notamment en cultures sous serre et quelquefois en milieu ouvert. Des déconvenues ont également été enregistrées notamment en milieu ouvert avec un taux d'efficacité très réduit (précisé ici). La lutte biologique par acclimatation au jardin potager n'est pas abordée sur ce site internet en raison de ses difficultés d'autant que pour un petit potager familial les luttes biologiques par conversation et augmentation avec des protections physiques sont largement suffisantes pour contrôler beaucoup de ravageurs.
On pourrait croire que les systèmes de protection précisés ci-dessus sont faciles à mettre en place pour de nombreux prédateurs de bioagresseurs par rapport à leurs hôtes de substitution. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas. Les interactions entre les uns et les autres ne sont pas toujours bénéfiques surtout quand elles favorisent d’autres insectes nuisibles difficilement contrôlables.
Par exemple, l’hibiscus qui est un arbuste très présent dans les jardins d’agrément en région PACA, a l’avantage de produire des fleurs tout l’été jusqu’aux premières gelées de l’automne. L’hibiscus est fréquenté par tous les insectes pollinisateurs et les syrphes (les adultes se nourrissent de nectar alors que leurs larves sont des prédatrices de pucerons). Cet arbuste est donc bien utile pour la préservation de la biodiversité et pour constituer un réservoir de syrphes.
L’hibiscus est une proie favorite des pucerons au début du printemps. Si l’hibiscus ne semble pas être particulièrement affecté par ces insectes suceurs, il peut servir de vecteur de propagation des pucerons, mais aussi de l’implantation de leurs prédateurs, et notamment des coccinelles. C’est pour cette raison que je ne cherche pas à détruire les colonies de pucerons qui envahissent au début du printemps les hibiscus de mon jardin d’agrément.
L’hibiscus est également très fréquenté par la punaise verte Nazera Viridula très présente en région PCA. On suppose que cette punaise verte provient d’Éthiopie et elle peut produire des ravages dans un potager. Cette punaise polyphage a la particularité d’envahir les cultures de tomates, de courges et de haricots. Ainsi, implanter des hibiscus dans l’espoir de favoriser les pollinisateurs et fixer des prédateurs de pucerons, a aussi pour conséquence de créer des foyers de développement de la punaise Nazera Viridula.
Heureusement, il existe une mouche parasitoïde dénommée Trichopoda Pennipes originaire des USA dont les larves se nourrissent des organes internes de la punaise Nazera Viridula. En général, cette mouche qui ressemble à un syrphe pond des œufs de couleur blanche facilement décelables à proximité de la tête du bioagresseur. Ces œufs donnent naissance à de petites larves qui migrent à l’intérieur du corps de la punaise. On trouve cette mouche dans nos jardins. Mais on ne peut éviter des dégâts quelquefois importants sur les cultures. Selon certaines saisons, cette mouche est incapable de contrôler la prolifération de la punaise Nazera Viridula nécessitant l'usage d'un pesticide.
Autre solution pour lutter contre la punaise Nazera Viridula à la portée du jardinier amateur : envelopper les grappes de tomate par un filet anti-insecte maintenu sur la tige par un fil résistant aux ultra-violets et à l’humidité. Le filet ne doit pas être au contact avec les fruits afin d’interdire aux punaises de les piquer à travers le filet.
L’hibiscus n’est pas un cas isolé. Le laurier rose très présent en région PACA fleurit tout l’été. C'est pour cette raison qu'il est considéré comme un arbuste bien utile pour la préservation de tous les pollinisateurs. Mais on peut aussi rencontrer dans les fleurs de ce laurier la mouche de la carotte Spodoptera littoralis qui se nourrit de pollen et de nectar alors que la larve se développe dans les racines de carottes et d’autres légumes racines en creusant des galeries.
Et des proximités incompatibles qu'il faut connaître.
La plantation de certains arbres situés à proximité d’un potager est problématique si le périmètre est particulièrement affecté par des attaques de noctuelles. Il existe trois variétés de noctuelles par rapport au mode alimentaire de leurs larves :
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Les chenilles défoliatrices se nourrissent de feuilles,
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Les chenilles mineuses creusent des galeries dans les tiges, les pétioles et les hampes florales. Les chenilles terricoles (encore dénommées ver gris) dévorent les collets et racines,
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Les chenilles mineuses creusent des galeries dans les tiges, les pétioles et les hampes florales.
Ces prédateurs très actifs en région méditerranéenne sont polyphages et peuvent également se fixer sur certaines plantes ornementales d’un jardin d’agrément (notamment les phlox, les œillets, les rosiers et les pélargoniums) et des plantes potagères. Les carottes sont des hôtes de choix ainsi que les tomates, salades radis, céleris, choux, artichauts, épinards et d’autres encore. Ainsi, le choix de certaines variétés végétales dans un jardin d’agrément juxtaposé à un jardin potager peut avoir des conséquences plus ou moins néfastes sur les plantes potagères.
Alors faut-il chasser les pélargoniums, les rosiers, les œillets des jardins d’agrément ? Pas forcément. Ces plantes participent à d’autres services écosystémiques dont beaucoup sont encore mal connus. Toute action que l’on pense favorable dans le but de modifier un milieu peut avoir d’autres effets souvent en cascades dont certains pourraient être négatifs. Les exemples précités montrent simplement la complexité des interactions entre les différents acteurs d’un écosystème et pour quelles raisons on ne peut envisager une agriculture qui serait protégée uniquement par des interactions entre plantes (ce qui est préconisé en permaculture). Dans la lutte biologique contre les bioagresseurs, les services écosystémiques ont donc leurs limites d'autant qu'ils sont influencés par des facteurs changeants et incontrôlables.
Encore un exemple souvent rencontré au jardin potager qui montre la difficulté de compter sur les équilibres écosystémiques naturels pour réguler la pression de certains bioagresseurs. Tous les jardiniers amateurs savent pertinemment que les cultures en plein air de radis et de carottes prennent facilement l’asticot qui creuse des galeries dans les racines même si les parcelles de culture sont entourées d’allées enherbées, de vergers ou de prairies. D’année en année, les pertes sont de plus en plus importantes. Le problème est tel que bien des jardiniers amateurs qui ne souhaitent pas utiliser de pesticides finissent par abandonner la culture en plein air de ces légumes racines.
D'une région à une autre, la biodiversité est différente et évolue continuellement étant soumise à divers facteurs comme les saisons, la météorologie, la diversité génétique, les espèces dominantes, les exclusions compétitives, la forme des cultures (prairies, cultures pérennes ou annuelles) l’émergence naturelle de nouvelles espèces… Ces contraintes produisent des effets différents et changeants, favorables ou défavorables sur les groupes d’organismes utiles et nuisibles. Voici quelques exemples :
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Les capacités d’évolution génétique peuvent brutalement modifier la pression d’un bioagresseur alors qu’il était connu pour être peu destructeur. Par exemple, l’hoplocampe est un hyménoptère (comme les guêpes et les abeilles...) dont la larve creuse des galeries dans les pommes, les poires et les prunes. Jusqu’à ces dernières années, il était considéré comme un ravageur secondaire. Mais cet insecte est maintenant plus agressif et peut provoquer d’importants dégâts dans les vergers. Il n’y a pas de solutions efficaces qui s’offrent aux producteurs bios pour lutter contre cet insecte (10).
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La jaunisse nanisante bien connue des céréaliers que l’on peut observer un peu partout en France connaît de fortes variations annuelles avec pertes de rendement pouvant atteindre 40 q/ha.
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En Bretagne, le Choucas qui d’ordinaire fréquente les falaises du borde mer, a depuis quelques années pris l’habitude d’envahir les champs de maïs sans que l’on connaisse la raison avec pour conséquence une chute catastrophique de production.
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En culture maraîchère, une saison estivale trop humide peut booster une attaque de mildiou sur la tomate et la pomme de terre.
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La pression d’un bioagresseur et la réponse de leurs prédateurs sont dépendantes de plusieurs facteurs le plus souvent impossibles à contrôler. Par exemple, les betteraves peuvent faire l’objet de fortes attaques de pucerons en cas d’hiver doux suivi d’un printemps clément. Dans ce cas, au début du printemps, on constate une invasion de pucerons sur les jeunes plantules sans qu’elle ne soit pas régulée par des coccinelles entrainant des pertes considérables de production. Les pesticides (flonicamide, spirotétramate) sont souvent la seule solution possible pour les betteraviers. Ces invasions précoces et redoutables de pucerons ne sont pas exceptionnelles depuis quelques années probablement en rapport avec les changements climatiques.
Dans des écrits ou sites internet faisant la part belle aux différentes variantes de l'agroécologie non scientifique, il est quelquefois précisé que les bioagresseurs sont peu nombreux et que la plupart des insectes ne sont pas nuisibles. Pour certaines plantes cultivées, le nombre de bioagresseurs est quand même assez conséquent. Les alliums (oignon, échalote ail) sont plus ou moins attaqués par une douzaine d’espèces d'invertébrés : nématodes, acariens et insectes. Pour le pois 25 bioagresseurs ont été recensés, 16 pour le cerisier, 22 pour le framboisier, 21 pour le pommier….(11).
En outre, les plantes ne sont pas attaquées que par des ravageurs. Les cultures sont souvent victimes de maladies cryptogamiques, bactériennes ou virales qui peuvent produire des dégâts importants, voire la perte de toute une culture. Certains pathogènes reviennent souvent sur les cultures, tels que le mildiou sur la tomate et la pomme de terre dans le nord de la France, la mosaïque du haricot (transmis par des pucerons), la tavelure sur les pommiers... Ces infections endémiques ne sont pas contrôlables par des prédateurs de bioagresseurs.
1) José Bové ; colloque « Défaire le développement, refaire le monde » mars 2002 – signalé dans « agriculture et environnement » https://agriculture-environnement.fr/dossiers/ecologie-politique/la-revolution-conservatrice-de-jose-bove
2) Qu'est-ce que l'agroécologie ? Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
4) Frenzel et al., 2016 ; Bird Communities in Agricultural Landscapes: What Are the Current Drivers of Temporal Trends? Ecological Indicators, 65, 113-121. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1470160X15006524
5) Nuanced changes in insect abundance Maria Dornelas Gergana N. Daskalova Science 24 avril 2020 vol 368, issue 6489, pp 368-369 DOI: 10.1126/science.abb6861
6) Programme STOC -Muséum national d’histoire naturelle – observations effectuées par des professionnels et bénévoles
7)Agriculture et biodiversité - valoriser les synergies. Expertise scientifique INRA juillet 2008
8) Jactel Het al., Tree diversity and forest resistance t insect pests : Mecjanisms and prospects ; https://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev-ento-041720-075234
9) Les insectes de l’olivier - R Poutiers – Revue de botanique appliquée et d’agriculture coloniale - Année 1925
10)http://rhone-alpes.synagri.com/synagri/pj.nsf/TECHPJPARCLEF/15532/$File/Terroir_Bio_octobre2015.pdf?OpenElement
11) Des plantes et leurs insectes - B. Didier et H. Guyot coordinateur – Edition Quae