Initiation aux méthodes intégrées au jardin potager
Chapitre : Le sol de culture
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⇒ Correction des sols très argileux, ou trop calcaire ou trop sableux.
La pleine efficacité des fumures ne s’obtient que sur des terres en bon état argileux et calcique. Au-dessus de 40 % d’argile, le sol est compact et lourd facilitant la rétention d’eau.
Un sol trop argileux se corrige en apportant d’une part, du sable de rivière que l’on peut acheter à un marchand de matériaux de construction, et d’autre part, par des amendements calcaires et humifères.
Les amendements sableux ne font l’objet d’aucune norme, mais il est préférable d’utiliser des sables neutres de type sable de Loire très fin. Certains sables peuvent contenir du calcaire avec un taux pouvant atteindre 50 % ce qui peut être intéressant quand le sol est également pauvre en calcaire. Pour augmenter le taux du sable d’un sol, il faut environ 1 à 3 t/are de sable selon le taux d’argile.
Un apport de sable n’est pas suffisant pour qu’un sol trop argileux perde ses propriétés collantes et asphyxiantes. Le mélange argile/sable se transforme rapidement en béton. Quand on mélange du calcaire et de l’humus à de l’argile, cette dernière flocule et prend la consistance du sable facilitant l’aération et l’infiltration de l’eau (voir l’article sur les CAH).
La chaux fait la fortune du père et la ruine du fils dit un proverbe. C’est le cas quand la chaux est utilisée tous les ans avec un taux estimé à l’aveuglette. Avant d’effectuer une correction d’un sol trop argileux avec des amendements calcaires, il est indispensable de connaître le pH du sol à l’aide de bandelette test de laboratoire ou d’un testeur à pH.
Le volume en amendements calcaires doit rester sur une valeur entre 7 et 8. Un excès de chaux annule la solubilisation du phosphore et de certains oligo-éléments comme le bore, le zinc, le manganèse. Au jardin potager, la chaux éteinte suffit largement. La quantité de chaux à apporter pour corriger un sol acide est de 7,5 t/hectare pour un sol argileux compact quand le pH est situé entre 5,5 et 6. Cette dose descend à 5,5 t/hectare pour un sol moyen composé essentiellement de sable et d’argile. En Provence, en raison de la nature de sol le plus souvent riche en calcaires, l’apport de chaux est souvent inutile. Il existe même beaucoup de terrains où c’est l’excès de calcaire qui pose problème.
Les amendements calcaires utilisés en agriculture destinés à améliorer le pH et la structure des sols doivent répondre à la norme française NF U 44-001 regroupant 5 classes :
1) les amendements calcaires simples comme la marne, les poudres de craie, le maërl (débris d’une algue marine riche en calcaire).
2) Les amendements crus riches en magnésium comme la dolomie.
3) les amendements cuits : chaux calciques et magnésiennes.
4) Les mélanges de chaux avec des amendements crus.
5) les écumes de défécation de sucrerie ou résidus de jus de fruits fixés par un lait de chaux.
Un sol trop argileux et acide peut être amélioré par un apport de chaux éteinte qui a aussi l’avantage d’ameublir rapidement le sol (a). En agriculture biologique, les amendements contenant de la chaux vive ou éteinte sont interdits (règlement RCE 889-2008) sous prétexte qu’elle n’est pas naturelle et qu’elles nécessitent l’usage de ressources énergétiques fossiles pour les produire. Les agriculteurs bios se privent donc d’un amendement particulièrement efficace pour réduire rapidement la toxicité des ions aluminium des sols trop acides. Il existe des amendements calcaires moins rapides constitués de particules plus grosses qui se désagrègent lentement dans le sol. Elles sont surtout destinées à stabiliser la structure du sol dans le temps après une première correction effectuée avec de la chaux.
La chaux est connue depuis longtemps pour améliorer la stabilité structurale du sol facilitant son aération, la pénétration des substances nutritives transportées par l’eau, et l’enracinement des plantes. La chaux agricole enrichit le sol en calcium et magnésium qui sont des éléments nutritifs indispensables pour les plantes. La chaux, en facilitant la formation des CAH, favorise aussi l’absorption des engrais et améliore les rendements.
Un apport correct de chaux corrige les excès de cuivre, de manganèse, de bore de zinc. La chaux vive est utilisée en arboriculture pour détruire les insectes qui nichent dans les troncs d’arbres.
On ne procède pas au chaulage d’un sol après avoir répandu un engrais organique riche en azote, car la chaux a tendance à neutraliser l’azote. En général, la chaux est répandue en automne après un labour et on utilise quelquefois de la chaux vive qu’on appelle aussi blanc arboricole. La chaux vive est très corrosive et son épandage nécessite de prendre des précautions (lunette, gans, habit de protection). La chaux vive attaque tous les corps organiques, y compris les champignons et bactéries pathogènes et la microflore utile. Il est recommandé d’épandre la chaux tous les 3 ans en alternance avec les apports d’engrais.
La nature de la culture que supportera le sol intervient aussi dans la dose d’amendements calcaires. La pomme de terre préfère une terre acide interdisant d’utiliser la chaux au moins 12 mois sur terre argileuse avant la mise en culture. Par contre, les haricots tolèrent peu l’acidité et apprécient les amendements calcaires.
Pour le jardinage, on trouve facilement dans les magasins de jardinerie et sites internet des amendements calcaires (dolomie sèche, carbonate de calcium en granulés ou en poudre, carbonate magnésien, chaux vive broyée ou chaux éteinte, sable calcaire ....) avec notice d’emploi. Des conseils d’utilisation sont accessibles sur des sites internet. Par exemple, pour ceux qui souhaitent épandre de la dolomie, la quantité varie de 15 à 20 kg pour 100 m2.
a) Il existe deux types de chaux obtenus à partir de la chaux vive hydratée : la chaux aérienne connue depuis l’antiquité et obtenue à partir de calcaire pur, et la chaux hydraulique obtenue à partir d’un calcaire contenant un peu d’argile
Sans analyse de laboratoire, il n’est pas toujours facile de déterminer à l’œil nu si un sol contient trop de calcaire. Certaines observations peuvent prêter à confusion. La couleur d’un sol très calcaire est souvent blanchâtre, mais elle peut être jaunâtre si le sol contient aussi un peu d’argile et/ou du fer.
Quand un sol est trop riche en calcaire, ce dernier empêche les plantes d’absorber le fer. Certaines plantes sont alors victimes de chloroses chroniques. Un sol trop riche en calcaire peut être carencé en magnésium et potassium. Or, le magnésium est un élément indispensable pour les plantes ; il entre par exemple dans la composition de la chlorophylle. Les sols trop calcaires présentent souvent un excès de carbonate de chaux qui, lorsqu’il est associé à un peu d’argile, produit un substrat aussi compact qu’un sol argileux.
Un apport d’argile pour améliorer la texture du sol trop calcaire est la solution la plus efficace, d’autant que l’argile est indispensable pour produire des complexes colloïdaux avec l’humus (voir l’article : complexes argilo-humiques). Les argiles ont aussi l’avantage d’inclure des cations comme le potassium et le magnésium entre leurs feuillets pour former de véritables réserves alimentaires pour les plantes.
En ce qui concerne les sols sableux, l’apport de matière organique ne suffira pas pour restructurer le sol et produire une réserve stable en carbone. Il faut aussi apporter de l’argile et du calcaire si ces derniers sont également absents. Les amendements argileux ne font l’objet d’aucune norme, mais ils ne sont pas faciles à trouver dans les magasins de jardinerie pour un usage agricole. Ces amendements sont aussi destinés à corriger des sols tourbeux et sablo-limoneux.
L’argile se trouve à l’état naturel au fond de certains lacs, étangs et canaux d’irrigation. Cette argile devient accessible quand ces réserves d’eau sont vidées. On peut aussi utiliser l’argile des marais située en dessous de la terre arable si elle n’appartient pas à un type limoneux. Pour augmenter le taux de 1 % d’argile, il faut 0,90 à 1,5 t/are de marne contenant environ 50 % d’argile.
Il existe une cartographie de la France des zones argileuses affleurantes ou subaffleurantes susceptibles de produire des retraits et gonflements que l’on peut consulter en cliquant ici. Les formations argileuses sont hiérarchisées en fonction de l’intensité des retraits du sol pouvant avoir des conséquences sur les bâtiments. Ces zones à risques pour les constructions contiennent aussi des marnes argileuses (mélange de carbonates et de minéraux argileux) produisant les mêmes effets. À noter que les marnes argileuses sont souvent utilisées par les agriculteurs comme amendements en raison du taux important d’argile qu’elles contiennent (35 à 65 %). Pour les autorisations de prélèvement, voir les propriétaires des parcelles et la réglementation locale.
Dans le commerce, on trouve des argiles à tous les prix de couleurs différentes en fonction des minéraux qu’elles renferment, les plus coûteuses étant utilisées en cosmétique. Certaines argiles sont utilisées en arboriculture, en pisciculture, dans la fabrication des litières pour chats, comme matériaux de construction cuits (briques) ou crus (enduit)… Des argiles associées à des fibres sont utilisées comme matériaux de construction. Elles contiennent souvent un peu de sable fin, de la paille d’orge ou de lin, de la chaux et sont recyclables et compostables. En principe les torchis doivent avoir un taux maximum de 30 % d’argile au-delà duquel le mortier se fissure au séchage. En Provence, un type d’argile utilisé en construction comme enduit monocouche peut être acheté à cet endroit – prix 18,41 € TTC le sac de 25 kg, novembre 2016) :
C'EST TOUT VERT Route de Dragignan Usine Emphoux 83690 SALERNES Tel : 04.94.70.11.05 http://www.cest-tout-vert.com/
Certains sites internet proposent de l’argile bentonite ou montmorillonite utilisable en agriculture à épandre à raison de 4 à 8 kg pour 10 m2, accessibles en cliquant ici.
L’argile n’est pas éternelle. Elle peut subir des mouvements de déplacement en fonction de la texture, de la structure et de la chimie du sol. Si un système continu de pores existe dans le sol, l'eau de percolation peut transporter les particules d'argile vers le bas. Ce mouvement s’accélère quand le sol se rétrécit et se fissure durant les saisons sèches suivies de pluies. L'argile s'accumule quand le mouvement de l'eau s’arrête suite à un obstacle. Les particules d'argile peuvent alors se redéposer en profondeur pour former de fines couches d'argile appelées argilanes. Les particules d’argiles peuvent également être détruites par des processus chimiques où interviennent des ions hydrogènes avec libération d’aluminium et de silice. Dans ce cas, le pH du sol situé en dessous de la terre arable est souvent plus bas. Il est donc nécessaire de renouveler de temps en temps un apport d’argile en fonction de l’importance des pertes constatées par des analyses de laboratoire. Le labour parce qu’il retourne la terre, est aussi un moyen très efficace pour limiter les pertes d’argile.
Les argiles sont des roches sédimentaires constituées de grains très fins contenant au moins 50 % de silicate d’aluminium. Elles absorbent l'eau pour former une pâte imperméable appelée couramment terre glaise. Les argiles contiennent souvent différents minéraux comme les oxydes de fer leur donnant une couleur particulière. Les argiles se répartissent en plusieurs familles selon leurs caractéristiques chimiques et physiques. Je présente ci-dessous une classification personnelle de certaines argiles tenant compte de leurs origines et de leur utilisation possible en agriculture. Je signale notamment pour chaque type d’argile deux caractéristiques importantes pour l’agriculture ; leur pouvoir absorbant de l’eau (information utile pour l’irrigation), et le niveau de la CEC (pour le potentiel de fertilisation – voir l’article sur la CEC en cliquant ici).
Argile blanche organisée en feuillets très serrés constitués de deux couches octaédrique et tétraédrique de silicate d’aluminium hydraté. Il existe plusieurs formes dans ce groupe d’argiles dont les plus connues sont l’endellite, la nacrite, l’alloycite et la kaolinite proprement dite. La kaolinite est utilisée pour la fabrication de la porcelaine. Elle contient principalement de la silice (48 %) et de l’alumine (36,5 %). Connue pour son pouvoir de régulation du pH des sols. Elle est extraite dans la région de Limoges, dans la Drome (Larnage et Rochefort-Samson) et en Provence. Leur pouvoir d’absorption est moyen et leur CEC se situe entre 3 et 15 meq/100 g. certaines kaolinites présentent une CEC élevée due aux couches de smectite situées à la surface des cristaux de kaolinite. Le Kaolin - une variété de kaolinite - est extrait des carrières de Provence et il est utilisé en cosmétique.
argile assez commune constituée de feuillets moyennement sérés que l’on trouve un peu partout. Elle est composée de trois couches de phyllosilicates. Riche en fer (9 %), moyennement riche en silice (36,5 %), elle contient aussi de l’alumine (9 %) et des composés calciques (14 %). Son pouvoir d’absorption est faible.
L’argile illite de couleur verte est surtout extraite dans le bassin Parisien, le Massif central et en Provence. Sa CEC varie de 10 et 40 meq/100 g. L’argile illite de couleur jaune utilisée en cosmétique et extraite de carrières en Provence a une capacité d’échange ionique d’environ 32 meq/100 g.
Illite jaune. Origine : Provence
Encore appelée Terre de Sommières ou Terre de Carpentras, c’est une argile gonflante caractérisée par des feuillets séparés et ayant un haut pouvoir absorbant. Elle contient beaucoup de silice (48,25 %), d’alumine (11,17 %), et de magnésium (9,66 %). La montmorillonite verte, également appelée terre à foulon, détient le pouvoir adsorbant le plus fort de toutes les argiles.
En France elle est extraite de la mine de Mormoiron dans le Vaucluse (encore dénommée argile verte de Provence) ou de Montmorillon dans la Vienne. On en trouve aussi dans le Languedoc. La CEC des montmorillonites est estimée entre 40 et 70 meq/100g voire beaucoup plus en fonction de la source d’extraction ; plus de 92 meq/I00g pour certaines montmorillonites commercialisées. Les montmorillonites sont utilisées pour une multitude d’applications industrielles médicales et cosmétiques en raison de leur structure et de leurs propriétés physiques et chimiques.
Argile montmorillonite verte. Origine : Provence
mélange naturel de plusieurs argiles comprenant de la montmorillonite (environ 70 %) et présentant différentes couleurs. Le terme bentonite désigne des argiles d’usage souvent industriel en raison de son haut pouvoir d’absorption (20 fois son volume en milieu humide). Des bentonites sont mélangées à de l’acide sulfurique ou chlorhydrique pour répondre à des besoins industriels spécifiques comme la clarification des huiles comestibles. La bentonite a le pouvoir de réguler le pH par son rôle tampon. Elle améliore la structure des sols sableux et limoneux et convient très bien pour former des complexes absorbants avec de l’humus. La CEC de la bentonite peut atteindre 90 meq/100 g en fonction de la source d’extraction. Des bentonites ayant une CEC supérieure à 95 meq/100 g sont recherchées en papeterie. Certaines litières pour chats sont composées de bentonite.
groupe d’argiles à laquelle appartiennent la palygorskite (encore appelée attapulgite par les industriels) et la sépiolite tous les deux utilisées depuis de nombreuses décennies pour leur pouvoir absorbant important (150 à 300 m2/g) supérieur à la Montmorillonite (50 à 80 m2/g) (1). D'importants gisements d'hormite se trouvent en Chine, au Sénégal, en Espagne, en Ukraine et aux États-Unis. Tous ces dépôts sont principalement constitués de palygorskite à l'exception du grand gisement de sépiolite en Espagne. La CEC de l’hormite se situe entre 30 et 40 meq/100 g. Certaines litières pour chats sont composées à 100 % d’hormite blanche. Elle est aussi utilisée dans les garages pour absorber les projections d’huile, ou comme support dans certains produits agricoles (par ex protection des graines par enrobage).
1) CLAY SORBENTS: THE MINERALOGY, PROCESSING AND APPLICATIONS - Haydn H. MURRAY - Indiana University, Department of Geological Sciences, 1001 E. Tenth Street, Bloomington, Indiana 47405 USA