Initiation aux méthodes intégrées au jardin potager
Chapitre : Biocontrôles
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⇒ Jardin potager et zones de biodiversité.
Il existe de nombreux exemples dans la littérature scientifique d’effets positifs apportés par la diversification végétale dans et à proximité des parcelles cultivées limitant la pression d’insectes ravageurs. Des études ont montré que le nombre d’ennemis naturels est bien plus important dans les parcelles cultivées quand la proportion d’habitats semi-naturels est élevée dans le paysage environnant (1).
Au cours de leur existence, l’aptitude à survivre et à se reproduire des auxiliaires utiles dépend de la quantité et de la qualité des ressources alimentaires rencontrées dans les différents types d'habitats agricoles, semi-naturels et naturels. Par exemple, un environnement plus hétérogène héberge une espèce de carabe omnivore (Poecilus cupreus), plus gros et avec des taux de fécondité trois fois plus importants que les individus vivant dans un milieu plus simple, notamment dans les champs où l’on utilise des pesticides (2).
Comme pour les grandes cultures, il est intéressant d'entretenir des habitats naturels et semi-naturels à proximité d'un potager. Pour répondre à cet objectif, comment le jardinier peut-il aménager son potager et l’environnement de ce dernier ?
Pour favoriser la biodiversité d'un jardin potager de petite taille, il n'est pas nécessaire de laisser prospérer les mauvaises herbes dans la parcelle cultivée pour les raisons décrites dans un autre article de ce site internet traitant des adventices accessible ici. Pour autant, en interculture, un couvert végétal approprié selon les techniques « de l'agriculture de conservation des sols » est recommandé (voir ici) largement complété par l'installation de bandes enherbées, de haies entourant le potager, voire l'entretien à proximité d'un potager d'un jardin d'agrément comprenant de nombreuses espèces sélectionnées afin de favoriser des interactions utiles (voir l’article "Les services écosystémiques").
Pour les bandes enherbées, il est possible de choisir plusieurs espèces de graminées utilisées pour les semis de pelouse plutôt que de laisser évoluer des mauvaises herbes dont certaines sont difficilement contrôlables (chiendent, prêle, liseron…). À noter le développement depuis quelques dizaines d’années des zones pavillonnaires comprenant des jardins d’agrément et qui sont de véritables habitats semi-naturels jouant un rôle important dans la préservation de la biodiversité (a).
Toutefois, les pavillons et les résidences secondaires où l’on trouve des pelouses régulièrement taillées entourées uniquement de thuyas ou de lauriers cerises en guise de clôtures ne sont pas les exemples les plus judicieux. Il faut laisser évoluer sous contrôle de nombreuses espèces indigènes ou importées dans un coin de terre ou une haie afin de constituer des zones de refuge où pourront survivre les prédateurs de bioagresseurs. Ne pas oublier la surface des sols non enherbés qui doit être couverte de débris végétaux (feuilles mortes, paillages, copeaux de scierie …) permettant de protéger des auxiliaires utiles comme certains coléoptères prédateurs de bioagresseurs.
Par rapport à une zone de culture, une zone boisée située à proximité d’un jardin potager offre un microclimat plus modéré protégeant les auxiliaires utiles des températures extrêmes. De même, un jardin potager situé à proximité d’un habitat herbacé, comme des prairies naturelles, sera également mieux protégé, les prairies offrant des sites d’hivernation pour de nombreuses espèces d’araignées, de coccinelles et de carabes.
Une étude récente de grande ampleur entreprise par des chercheurs de l’INRA et du CNRS en collaboration avec des équipes allemandes, espagnoles, anglaises et canadiennes, a montré « qu’augmenter la complexité de la mosaïque des cultures offre un levier d’action considérable (et largement sous-exploité) pour conserver et restaurer la biodiversité des paysages agricoles tout en maintenant les surfaces de production agricole. » (3) On retrouve cette situation dans beaucoup de jardins potagers où la monoculture n’existe pas. Ainsi, plus le jardinier amateur cultive de variétés de plantes potagères, plus il favorise la biodiversité.
Un jardin d’agrément doit aussi contenir des espèces florales indispensables pour la préservation des pollinisateurs et offrir aux prédateurs des pucerons comme les coccinelles et les syrphes, un gîte et un couvert. Si les larves de syrphes dévorent les pucerons, les syrphes adultes se nourrissent du nectar des fleurs.
Il ne faut pas systématiquement lutter contre les insectes suceurs partout où ils s’installent, si l'on veut que leurs prédateurs restent sur les lieux que l’on désire préserver pour former des réservoirs naturels d’auxiliaires utiles. Sinon, ces insectes utiles ne pourront pas assurer leur rôle dans le jardin potager quand on aura besoin d’eux.
N’oublions pas non plus les petits animaux qui participent à la régulation de la biodiversité en leur offrant des abris comme les oiseaux et les chauves-souris gros consommateurs d’insectes.
Carabe
Quand les coccinelles et les syrphes ne sont pas encore actifs dans un jardin potager au début du printemps, les pucerons ne sont pas forcément un problème s'ils s’installent sur des arbustes d’agrément (comme les lauriers à fleurs) ou sur des fleurs cultivées à cet effet. Si les coccinelles sont en retard, il faut alors se dépêcher d’en importer plutôt que de pulvériser un insecticide dans toute la propriété. Toutefois, un traitement à l'aide de pesticides peut s’envisager sur une surface réduite en cas de nécessité absolue, par exemple pour protéger une plantation de haricots contre le virus de la mosaïque transmis par les pucerons. L’usage des pesticides est une pratique facile et efficace pour se débarrasser des pucerons (non résistants à ces pesticides), mais ces pesticides risquent surtout de ralentir l’installation d’auxiliaires utiles dans les espaces réservés à la préservation de la biodiversité.
Paillage sur 10 cm dans une haie constitué de copeaux de bois provenant d’une scierie
Les paillages participent à la rétention de l’eau du sol en formant un barrage aux rayons du soleil. Ils peuvent aussi abriter des auxiliaires utiles prédateurs de ravageurs. L’évaporation de l’eau des paillis rafraichit le sol. Les paillis de chanvre (support de culture NF 12580 :180L) utilisés en horticulture sont très efficaces en raison de leur capacité de rétention d’eau estimée à 370 ml/l. On peut également utiliser de la paille, des copeaux de bois ainsi que le miscanthus (herbe d’éléphant).
Provenant d’Afrique et d’Asie, le miscanthus est une variété de graminées rhizomateuses qui aime le soleil est peu donc être cultivée en Provence. Il faut la première année prévoir un sol riche en humus et des arrosages fréquents durant la saison estivale. Les feuilles de miscanthus qui tombent sur le sol en couches épaisses servent d’abri pour les insectes utiles puis elles sont transformées en humus. Les broyats de miscanthus riche en carbone peuvent être ajoutés à des composts.
Le Miscanthus gracillimus est une variété utilisée pour la plantation de haies ou de massifs ornementaux. Après son installation au printemps, le miscanthus prospère durant plusieurs décennies sans être envahissant. Le miscanthus est certainement l’une des plantes à privilégier dans les corridors de biodiversités si on dispose de suffisamment de place.
a) a) On estime qu’environ 17 millions de Français entretiennent un jardin d’agrément
1) A meta‐analysis of crop pest and natural enemy response to landscape complexity ; Chaplin-Kramer et al., 2011
2) REPRODUCTION AND ENERGY RESERVES OF A PREDATORY CARABID BEETLE RELATIVE TO AGROECOSYSTEM COMPLEXITY ; Bommarco, 1998
3) Des mosaïques de cultures plus complexes pour une plus grande biodiversité dans les paysages agricoles