Initiation aux méthodes intégrées au jardin potager
Chapitre : Biocontrôles
Articles précédents ou suivants ; cliquez sur un titre pour accéder à la page
⇒ La solarisation, le faux semis et le travail du sol en période de gel.
La solarisation.
De nombreuses maladies cryptogamiques et bactériennes sont provoquées par des agents pathogènes qui vivent dans le sol à des dizaines de centimètres de profondeur, ce qui rend difficile leur éradication. En l'absence de soins appropriés, ces agents pathogènes peuvent survivre dans le sol pendant de nombreuses années et entraîner une incapacité à cultiver des cultures sensibles à ces bioagresseurs. En outre l'agriculture intensive, caractérisée par la multiplicité des cultures sur les mêmes parcelles, a pour conséquence d’augmenter les maladies telluriques. La lutte contre les agents pathogènes provenant du sol est effectuée par diverses méthodes, notamment les désinfections à l’aide de produits chimiques comme le bromure de méthyle (a) ou encore le métam-sodium. Le bromure de méthyle augmente le déséquilibre de la biodiversité et appauvrir la couche d’ozone. La désinfection solaire a pour avantage d’éviter ces écueils.
La solarisation est une méthode de lutte antiparasitaire qui consiste à chauffer le sol par rayonnement solaire. La désinfection solaire repose sur la combinaison de plusieurs mécanismes thermiques, biologiques et biochimiques qui ont de nombreux effets délétères sur les agents pathogènes responsables des infections microbiennes et cryptogamiques. C’est certainement l'une des méthodes les plus efficaces pour lutter contre les agents pathogènes du sol.
L'idée et le développement de cette technologie respectueuse de l’environnement sont l'œuvre du professeur Yaakov Katan de l'Université hébraïque d’Israël et de ses collègues. 1 400 études scientifiques ont été publiées à ce jour sur le thème de la désinfection solaire (b). De nos jours, la désinfection solaire est utilisée comme alternative dans plus de 70 pays dans une variété de systèmes de culture (traditionnels ou biologiques) et dans différentes zones climatiques.
Le principe de la solarisation consiste à recouvrir un sol humidifié d'une feuille de bardage en polyéthylène transparent afin de créer un effet de serre. Sa fonction principale est de retenir la chaleur dans le sol pendant une longue période entraînant une évaporation de l’eau du sol et une fumigation en profondeur. Il est évident que le sol ne doit pas être tassé afin que la vapeur d’eau puisse circuler entre les interstices. En saison sèche, un arrosage avant la pose du revêtement est nécessaire (le sol doit être mouillé en profondeur jusqu’à au moins 30 cm).
La solarisation est surtout efficace en été dans les régions bien ensoleillées donc dans le sud de la France. Une absence de soleil peut entraîner un échec de solarisation avec une levée d’adventices.
Voile de solarisation posée chez un particulier. Photo Mme Mickal Eliad, Zichron Yaacov Israël
Lors de la désinfection solaire, des changements physiques, chimiques et biologiques se produisent dans le sol conduisant à la mort ou à l'affaiblissement des bioagresseurs qui vivent dans le sol. Plus la température est élevée, plus la désinfection est efficace et meilleure est la destruction des bioagresseurs. Une forte augmentation de la température peut aussi détruire les graines d'adventices et des nématodes nuisibles. La solarisation du sol améliore également la structure du sol et augmente la disponibilité de l'azote et d'autres nutriments essentiels pour les plantes.
Si la solarisation se fait sous serre ou filets anti-insectes, il est impératif d'écarter les revêtements de protection avant la solarisation. Après le processus de solarisation le sol est le moins possible travaillé hormis un repiquage ou un semis. En effet, il faut éviter d’amener en surface des graines ou microorganismes qui n'aurait pas été affectés par la désinfection. En Israël la pose du matériel de solarisation est effectuée après la mise en place du goute à goute ce qui permet d'humidifier le sol pendant la solarisation jusqu'à 30 cm de profondeur pour améliorer la conductivité de la chaleur.
Certaines études ont montré que beaucoup de phytopathogènes sont détruits par un traitement à 55° durant seulement 30 minutes (1). Par rapport à la flore fongique saprophyte, les champignons pathogènes se révèlent être les plus sensibles au traitement thermique (2).
Pour cibler les agents pathogènes les plus résistants, le revêtement doit être laissé pendant 5 à 12 semaines, selon la période de désinfection, le type de sol et le type de revêtement. La date idéale pour sa mise en place étant la période de l’été la plus chaude.
Il faut enlever les paillages pour que la température de la surface puisse atteindre 55°C. Il est important que le sol reste bien humide avec un pH si possible supérieur à 7. La survie du Fusarium Avenaceum est meilleure dans les sols secs avec un pH compris entre 3,8 et 4,6. Une température constante de 56° durant 30 mm est nécessaire pour éliminer les spores de ce fusarium (3).
La transparence et la propreté de la couverture sont essentielles pour permettre aux radiations solaires de chauffer le sol sans aucune interférence. Le vent ne doit pas entrer à l’intérieur de la protection. À cet effet, les bords de la feuille de plastique sont calfeutrés à l’aide de planches en bois et/ou un peu de terre. Il est utile de contrôler la température à l’aide d’un thermomètre de laboratoire pourvu d’une sonde permettant de prendre la température à différentes épaisseurs du sol. Bien entendu, il faut si possible éviter que la parcelle traitée soit ombrée en permanence par des édifices, murs et arbres.
De nombreux vers parasites sont détruits au cours de ce réchauffement, notamment les nématodes qui parasitent les racines, les rhizoctones, le pythium qui provoque la fonte des semis, la sclérotinia connue pour produire la pourriture blanche de la carotte, des salades, des tomates et des haricots et le botrytis (pourriture grise qui sévit sur la tomate, la fraise et la vigne), ou encore la verticilliose qui produit le flétrissement des folioles de tomates, des aubergines et des pommes de terre.
C’est d’ailleurs le traitement le plus efficace contre la verticilliose. Il ne semble pas que ce traitement affecte la microflore utile du sol qui se régénère assez facilement à la fin de l’été après retrait de la bâche en plastique.
Préparation du sol :
La solarisation est plus efficace lorsque le film plastique est posé aussi près que possible d'une surface lisse du sol. Les mottes d’un labour doivent être brisées. Il faut retirer avec un râteau tous les objets ou débris susceptibles de soulever ou de percer la bâche.
Il est vivement conseillé de disperser du fumier et/ou du compost frais avant de poser le revêtement. La décomposition de ces amendements biodégradables augmente la température et dégage des composés bio toxiques volatils renforçant ainsi les mécanismes de destruction biologique des agents pathogènes et des graines d’adventices.
L’apport de matière organique a aussi pour conséquence d’accroître l’activité antagoniste microbienne dans le sol et d’affaiblir la pression des mycéliums pathogènes. Les vers de terre ne sont pas affectés par le traitement d’autant qu’en été et notamment en région PACA, ils ont l’habitude de descendre à plus de 30 cm pour se protéger de la chaleur.
Irrigation :
Le sol doit être irrigué afin de conduire la chaleur vers les couches profondes (le sol humide conduit mieux la chaleur que le sol sec). Le sol doit être de nouveau irrigué pendant la solarisation si le sol est très léger et sableux, ou si l'humidité du sol est inférieure à 50 %.
La solarisation est bien connue en Israël où des maraichers utilisent des bâches de polyéthylène très fines, entre 30 et 40 microns (non réutilisables, les feuilles résistent aux UV entre 6 et 12 mois selon leur qualité). Certaines feuilles peuvent être plus fines ou plus épaisses pour répondre à un usage particulier. Ainsi on peut trouver des revêtements entre 30 à 70 microns contenant un antibuée pour éviter la formation de grosses gouttes sur le film et maximiser la transmission lumineuse (la durée de vie de ces films est plus courte, de l'ordre de 5 à 7 mois selon la région). Certains additifs ajoutés lors de la fabrication de la bâche augmentent la température de 4 à 5° et réduisent les pertes de chaleur en fin de journée. D'autres additifs réduisent les pertes en radiations infrarouges durant la nuit. (Les bâches de solarisations comprenant ces additifs sont fabriquées par la Sté POLITIV).
En France, les maraichers professionnels peuvent acquérir des films de solarisation (par ex « film trips » du groupe Barbier ou encore films de solarisation de la Sté Guérin Plastiques) auprès de leurs coopératives, du réseau ACTURA, ou encore VITIVISTA, AGRALIA…
Attention, il est quelquefois proposé sur des sites internet des films de solarisation de couleur noir type toile de paillage pour fraisiers et salades. L’expression « solarisation » pour désigner cette technique de désherbage est abusive. La technique de solarisation inventée par les ingénieurs agronomes israéliens est destinée à traiter le sol avant plantation et nécessite des films transparents et non pas noirs.
Faute de mieux, on peut trouver en France sur certains sites internet des bâches transparentes en polyéthylène ayant des propriétés se rapprochant des revêtements utilisés en Israël. Par exemple les bâches HaGa disponibles sous différentes tailles pour serres de tomates résistent bien aux UV et sont présentées par leur fabricant comme étant très perméables à la lumière. On peut aussi utiliser les voiles climafilm de Nortene de 50 µ qui résistent bien aux UV en vente dans certains magasins de jardinage.
Pour plus d'information sur la technique de solarisation, voir cet exemple en Guyane en cliquant ici.
Astuce :
Il faut tenir compte que la montée rapide en température se traduit souvent par des montées élevées en azote. Il est vivement conseillé d’effectuer un nitratest afin de connaître la teneur en azote du sol avant mise en culture.
Le sol doit être constamment humide et la quantité d’eau présente dans le sol sur 50 cm doit être très importante avant pose de la bâche. Après irrigation, le sol doit être bien ressuyé pour éviter le dépôt de boue sur la bâche.
a) Le bromure de méthyle est interdit dans la désinfection des sols par La Convention de Vienne de 1985 puis le Protocole de Montréal de 1987
b). Pour ses recherches, le professeur Katan a remporté de nombreux prix et une reconnaissance internationale. En 2014, il a remporté le prix israélien de la recherche.
Le travail du sol en période de gel.
En automne, les larves de certains bioagresseurs hivernent dans le sol. C’est notamment le cas des ravageurs qui creusent des galeries dans les racines de carottes, navets, radis… des charançons qui infestent les fraisiers, framboisiers et plantes ornementales des jardins d’agrément. Les larves de ces ravageurs empruntent les galeries creusées par les vers de terre et on retrouve facilement leurs chrysalides entre 20 à 30 cm de profondeur, voire plus. Les chrysalides de ces larves de ravageurs sont ainsi protégées du gel de l’hiver sauf si le jardinier effectue un labour dès les premières gelées. Les larves de ravageurs sont alors déplacées en surface, les rendant plus sensibles aux intempéries de l’hiver. Ces larves seront détruites par le gel ou par des agents pathogènes (champignons, bactéries…) ou d’autres prédateurs tels que les oiseaux.
Bien entendu, plus la température descend au-dessous de zéros, plus l’assainissement causé par le gel sera efficace. Les régions où le gel est fréquent durant les nuits hivernales sont particulièrement propices pour réduire les populations de bioagresseurs suite à un labour effectué à la fin de l’automne. Des labours effectués en hiver sur 20 puis 30 cm de profondeur complètent l’assainissement du sol de culture.
Le faux semis.
Cette technique consiste à engager la germination des mauvaises herbes après un travail du sol suivi d’un arrosage et cela, avant mise en place d’une culture productive. La levée des mauvaises herbes est détruite par un sarclage. Ce procédé favorise les auxiliaires qui se nourrissent des débris végétaux si vous laissez les coupes de jeunes plantules sur le sol.
Astuce :
Le sol doit toujours être humide donc, en été, il faut arroser tous les jours. Il est impératif d’effectuer un ou plusieurs labours afin de remonter en surface les graines d’adventices, ce qui favorise leur germination. Au printemps, les graines d’adventices germent plus rapidement si un sol humide est recouvert une dizaine de jours d’une bâche transparente.
1)Bollen, G.J. 1969 - The selective effect of heat treatment on the microflora of a greenhouse soil
2) Paul H. Dunn et all 1985 - Soil moisture affects survival of microorganisms in heated chaparral soil
3) A.J.Hargreaves R.A.Fox ; 1978 - Some factors affecting survival of Fusarium avenaceum in soil