Initiation aux méthodes intégrées au jardin potager
Chapitre : Le sol de culture
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⇒ Le monde microbien et la fertilité des sols
La communauté microbienne présente dans le sol est vaste est comprend des protozoaires, des champignons, des bactéries et des archées (a). Les bactéries ont une implication forte dans les processus écosystémiques tels que la fixation de l’azote atmosphérique et la minéralisation des matières organiques. Certains champignons et bactéries ont un impact direct sur la santé et la croissance des plantes par la mise en place de processus symbiotiques. Depuis une dizaine d’années, de nombreux travaux scientifiques ont montré que la fertilité du sol est conditionnée par la diversité microbienne. Et cette dernière est aussi dépendante des caractéristiques physiques du sol et la manière dont il est entretenu. Une perte de 30 % des espèces bactériennes entraîne une diminution de 40 % de la minéralisation de la matière organique ainsi qu’une baisse de 50 % de la stabilité structurale du sol (1). Une baisse de la diversité microbienne conduit également à une réduction de la réserve hydrique du sol avec une plus grande difficulté d’enracinement. En outre, des associations de micro-organismes comprenant des bactéries interviennent dans les processus de neutralisation des polluants et notamment des pesticides.
Dans un sol bien entretenu, les populations microbiennes pathogènes représentent une très faible partie de l’immensité de la diversité microbienne. La présence de ces populations pathogènes et d’autres agents parasites est naturelle et peuvent affecter tous les organismes supérieurs. Les populations pathogènes deviennent envahissantes et posent alors de sérieux problèmes sanitaires quand elles rencontrent certaines conditions environnementales. Quant aux parasites, beaucoup de ceux-ci vivent transitoirement dans le sol durant quelques semaines voire, quelques années, et ils ont besoin d’un hôte pour se reproduire.
Les conditions environnementales favorisant le développement d’une population microbienne pathogène sont complexes et sont souvent interdépendantes telles que les modes de culture (abondance d’une espèce cultivée sur une même parcelle, absence de rotation, apport excessif d’azote), les conditions physiques et biologiques du sol (comme la texture du sol, le pH, la raréfaction de l’humus, un sol trop riche en calcaire) et les changements climatiques. D’une manière générale, il est maintenant admis qu’une forte biodiversité du sol a pour conséquence un appauvrissement de l’action des organismes pathogènes et une augmentation des interactions bénéfiques. (voir le chapitre sur Rhizosphère, mycorhizes et sols suppressifs).
L’activité biologique du sol intervient dans le cycle du carbone et sa concentration dans l’atmosphère. La capacité de stockage en carbone du sol est déterminée par le ratio entrées/sorties. D’une part, du carbone est fixé dans le sol par la dégradation de matières organiques provenant des végétaux ou de leurs activités racinaires, et d’autre part, une partie du carbone retourne dans l’atmosphère lors de la minéralisation des matières organiques par les micro-organismes.
Des facteurs naturels et humains influencent les entrées sorties du carbone comme la saison, l’irrigation, le labour, la nature des cultures. Certains facteurs sont incontrôlables comme la météo. D’autres peuvent être modifiés dans un sens favorable tel que le travail du sol simplifié, le recyclage plus fréquent des résidus de culture, l’usage d’engrais verts en interculture.
L’aération en profondeur est certainement l’un des facteurs qui modifie sensiblement le taux de carbone fixé dans le sol, l’évolution des populations microbiennes et des autres organismes présents dans le sol. Les macrospores ont tendance à accumuler une grande variété d’organismes de dimensions variables alors les micropores sélectionnent les bactéries et les virus. En outre, au sein des microspores, la raréfaction de l’oxygène favorise les bactéries anaérobies comme les clostridiums dont certaines espèces interviennent dans la putréfaction des déchets organiques avec risque de production de substances toxiques. Dans les habitats où l’oxygène est fréquemment renouvelé, ce sont les bactéries aérobies qui prospèrent. L’oxygène est indispensable pour certains services écosystèmes importants comme la fixation de l’azote par des bactéries.
Il est connu que les champignons présents dans le sol sont fortement impliqués dans la dégradation de la matière organique fraîche, alors que les bactéries jouent un rôle plus important dans la minéralisation de l’humus. Plus un sol est riche en diversité microbienne, plus la minéralisation de l’humus est importante, et plus il faut apporter tous les ans de matières organiques pour compenser les pertes. C’est un facteur qu’il faut tenir compte dans l’entretien des sols quand on cherche à augmenter la biodiversité du sol.
La grande majorité des bactéries est hétérotrophe, c’est-à-dire qu’elles ont besoin de matières organiques pour prospérer apportées par les racines des plantes, les feuilles mortes, la matière fécale des animaux vivant en forêt, etc. En fonction de la quantité et de la qualité de la matière organique apportée au sol, des espèces vont prendre l’avantage sur d’autres modifiant les propriétés biochimiques du sol et sa fertilité. Par exemple la matière organique facilement putrescible favorise les bactéries copiotrophes ayant des besoins nutritionnels importants sur de courtes durées.
Un sol riche en humus de longue durée favorise les bactéries oligotrophes avec une biodiversité élevée caractérisée par des stratégies spécifiques pour couvrir leurs besoins en énergie sur des périodes plus longues. Tout ce petit monde évolue en permanence soumis à de multiples facteurs locaux aléatoires (comme la pluviométrie) ou stables (minéraux prépondérants comme une présence forte d’argile) et l’action de l’agriculteur sur les parcelles cultivées. Des études récentes ont montré que la grande diversité des sols observée en France abrite une grande diversité d’habitats et donc de biodiversité y compris dans les zones de cultures intensives.
La diversité microbienne est très abondante dans les régions comme la Bretagne, la Normandie, le Nord, le Bassin Parisien, le pourtour méditerranéen, une partie du Sud-Est et du Sud-ouest. D’autres régions regroupant surtout les zones de montagne et sablonneuses présentent une diversité plus faible comme les Landes, la Gironde, l’Alsace et la Lorraine, la Sologne, le Morvan et les Cévennes. Ces grandes différences en diversité microbienne sont influencées positivement par le pH et la teneur en sable et négativement par un ratio Carbone/Azote élevé et une teneur en argile déséquilibrée. Les études ont montré que les sols à pH neutre ou alcalin avec une texture bien pourvue en sable et matières organiques facilement dégradables favorisent une diversité bactérienne importante. Par contre, les sols argileux à pH acide pourvus en humus de longue durée présentent une diversité microbienne plus faible. D’une manière générale, on rencontre des dominances d’organismes différents dans les sols de grandes cultures, de forêts et de prairies.
1) Atlas français des bactéries du sol p 24