Initiation aux méthodes intégrées au jardin potager
Chapitre : Traitements
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⇒ Les pyréthrines.
Les pyréthrines sont des esters neurotoxiques extraits de fleurs de chrysanthèmes de Perse ou de pyrèthres de Dalmatie. Les pyréthrines agissent par contact ou inhalation et sont plus ou moins toxiques pour de nombreux insectes. Elles sont moins ciblées par rapport à certains insecticides de synthèse dégradables comme le pyrimicarbe connu pour son innocuité à l’égard des entomophages (a). Une étude de l’INRA a montré que "Des larves âgées de la coccinelle Semiadalia undecimnotata Schneider, traitées dès la mue à l’aide d’une solution dont la concentration correspond à la dose commerciale, ne présentent par une mortalité anormale par rapport à des larves témoins, mais subissent des troubles physiologiques temporaires qui affectent la consommation alimentaire, l’utilisation métabolique des proies et la croissance pondérale. Ces troubles qui se manifestent dès les premières heures après le traitement disparaissent ensuite en raison, probablement, de l’existence chez les larves d’un processus d’élimination ou de détoxification de la molécule insecticide. L’augmentation de la durée moyenne du stade permet aux larves traitées d’atteindre un poids final comparable à celui des larves témoins et se traduit par une consommation alimentaire totale légèrement supérieure à celle de ces dernières. » (1) (b).
Les pyréthrines sont très fragiles et se dégradent rapidement au contact de l’oxygène de l’air, de l'humidité ou lorsqu’elles sont exposées à la lumière. Par rapport aux insecticides de synthèse, leur prix reste élevé. Certaines préparations sont peu dosées en substances actives et elles sont alors considérées comme des répulsifs. Par exemple si vous utilisez certaines préparations contre des fourmis en vente dans le commerce, ces dernières sont paralysées quelques dizaines de minutes, puis reprennent tranquillement leurs activités. Cette fragilité des pyréthrines impose d’augmenter les épandages pour avoir un effet sur le long terme. Pour cette raison, leurs effets sur l’environnement ne sont pas négligeables quand elles sont utilisées comme traitements répétitifs.
De nombreuses études ont montré que les pyréthrines sont très efficaces contre une large gamme d'insectes, les mauvais comme les auxiliaires utiles, mais elles sont inefficaces sur les lépidoptères comme les noctuelles polyphages de la carotte. Cependant, les insectes peuvent devenir résistant aux différentes pyréthrines via la production de détoxifiants enzymatiques. C’est notamment le cas des aleurodes (également résistant aux pyréthrinoïdes de synthèse). Pour cette raison les pyréthrines ne sont pas considérées comme des insecticides satisfaisant pour neutraliser certains ravageurs agricoles (2). Comme les pesticides autorisés en agriculture biologique sont peu nombreux, les pyréthrines sont souvent utilisées dans cette filière augmentant le risque de produire des résistances.
L’activité des pyréthrines est améliorée dans de nombreuses préparations par l’ajout d’additifs de synthèse comme le Piperonyl Butoxide (PBO) dans le but de supprimer l’action de désintoxication présente chez certains insectes. Le Piperonyl Butoxide est un « sinergisant » ajouté aux pyréthrines pour accroître sa toxicité. Ce mélange n’est pas très apprécié dans certains milieux écologiques faute d’évaluation de la toxicité des effets synergiques. Cet additif est connu pour être toxique par inhalation, contact avec la peau et en cas d’ingestion. Il est classé R40 (effet cancérigène suspecté sur l’homme) et il est très toxique sur les organismes aquatiques. Le PBO est biodégradable. Le PBO qui est également présent dans des préparations contenant des pesticides de synthèse est rapidement dégradé lorsqu'il est exposé aux rayons du soleil. Sa demi-vie étant d’un jour contre 14 jours quand il est incorporé au sol par lessivage.
Une préparation autorisée dans les jardins (3) contient des pyréthrines et de l’abamectine qui est un mélange de plusieurs substances chimiques de la famille des avermectines (groupe de molécules produites par des bactéries). Susceptible de nuire au fœtus, l’abamectine peut être mortel en cas d’ingestion ou d’inhalation, et elle est très toxique pour les organismes aquatiques entraînant des effets à long terme (4). D’autres préparations réservées aux professionnels contiennent un mélange de pyréthrines et d’huile de colza.
Bien que les pyréthrines soient des pesticides naturels utilisés depuis de nombreuses années, les données disponibles concernant leur impact sur l’environnement sont limitées. Il a été mis en évidence que la persistance des pyréthrines dans le sol augmente en proportion de la matière organique. Ainsi, un sol amendé en matière organique contient deux fois plus de pyréthrine qu’un sol indigène, et leur mobilité est réduite par les acides humiques (5). Des études ont montré que les pyréthrines ont une influence sur la flore microbienne. Si certaines populations microbiennes sont tolérantes aux pyréthrines, ses produits de dégradation induisent une diminution des populations de bactéries et d'actinomycètes (6). Mais cette diminution est provisoire. En général, les pyréthrines sont rapidement dégradées par certaines bactéries et c'est aussi pour cette raison qu'elles sont autorisées en agriculture biologique. À doses très élevées, les pyréthrines sont très toxiques, y compris pour l’homme se traduisant par des vomissements, des nausées, des convulsions, des irritations dermiques sans pour autant entraîner d’effet létal.
Les abeilles sont très sensibles aux pyréthrines absorbées par contact ou par ingestion. Étant donné que les abeilles jouent un rôle essentiel dans la pollinisation des cultures agricoles, l’utilisation des pyréthrines au moment de la floraison n’est donc pas recommandée.
Suite à l’interdiction des pesticides de synthèse pour les particuliers, les préparations à base de pyréthrines sont maintenant très courantes dans les magasins de jardinage. Comme les abeilles ont tendance à abandonner les champs et arbres fruitiers en soirée pour regagner leurs ruches, il est conseillé d’utiliser les pyréthrines à la fin de la journée. Or, il n’existe aucune étude scientifique sérieuse qui montre que les pyréthrines sont suffisamment dégradées le lendemain pour empêcher les abeilles d’être à leur tour empoisonnées.
En culture maraîchère, comme pour tous les insecticides de synthèse à large spectre, l’utilisation des pyréthrines est forcément très problématique pour protéger certaines plantes dont la floraison est constante se traduisant par une succession de fruits comme les cucurbitacées, les tomates…
Le mode de production des pyréthrines est à l’opposé des grands principes des mouvements écologiques et inters mondialistes. Les plantes sont surtout cultivées en Tanzanie (60 % de la production mondiale) au Kenya, au Rwanda, en Papouasie Nouvelle-Guinée. Il faut 52000 plans pour obtenir 25 kg de poudre. Pour répondre à la demande des lobbys bios et de leurs clients européens mieux fortunés que les agriculteurs africains, de vastes territoires sont réservés à la culture de ces plantes au détriment des cultures alimentaires. Au Kenya qui est l’un des pays les plus pauvres d’Afrique, les pyrèthres qui prospèrent plus facilement entre 2200 et 2800m ont remplacé les cultures de haricots et de maïs. Les fleurs blanches des pyrèthres qui ressemblent à des marguerites sont cueillies à la main par de nombreuses femmes puis distillées pour produire la pyréthrine. Les fleurs sont aussi mises en sachets pour être exportées. Bien entendu, les rendements étant faibles, les salaires le sont aussi. Les seuls gagnants sont les exportateurs kenyans qui ont vite compris qu'ils pouvaient exploiter l'engouement pour les pesticides naturels suscité par les mouvements écologistes des pays riches.
Comme toutes les autres cultures de végétaux, les pyrèthres et les chrysanthèmes sont attaqués par des insectes polyphages et des champignons (puceron vert du pécher, nématodes, trips, ascochytose …). Dans une étude australienne publiée en 2008 dans l’APS Journals (7), il est précisé qu’en Tanzanie et en Papouasie Nouvelle-Guinée, les paysans ne traitent pas leurs pyrèthres avec des insecticides bios, mais avec des insecticides et fongicides de synthèse utilisés en agriculture conventionnelle, notamment le difénoconazole. Ce fongicide est connu pour ses effets toxiques chez les mammifères et les milieux aquatiques avec une demi-vie 1600 jours dans certaines conditions d’utilisation.
a) Parasite ou parasitoïdes qui se développent aux dépens d’autres insectes.
b) Les préparations contenant du pyrimicarbe avec un pyréthrinoïde, le lambda-cyhalothrine, ne sont pas recommandées dans le cadre d’un programme de protection intégrée en raison de leurs toxicités résiduelles pour les insectes auxiliaires. Elles doivent être utilisées en dehors des périodes d’apport des auxiliaires ou lorsque la protection intégrée échoue.
1) Effets secondaires d’un insecticide, le pyrimicarbe, sur la physiologie alimentaire des larves âgées de la coccinelle aphidiphage Semiadalia undecimnotata Schneider – V. Garcia et all, (Col. Coccinellidae), INRA,
2) Environmental Fate of Pyrethrins - Amrith S. Gunasekara. Environmental Monitoring Branch Department of Pesticide Regulation 1001 I Street Sacramento, C A 95812 November 2004 (Revised 2005)
3) https://ephy.anses.fr/ppp/fazilo
4) Fiche INRS N°299
5) Antonious et al., 2004
6) Taiwo et Oso, 1997
7) Diseases of Pyrethrum in Tasmania: Challenges and Prospects for Management.