Initiation aux méthodes intégrées au jardin potager
Chapitre : Biocontrôles
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⇒ Les filets anti-insectes.
Les radis, carottes, navets, céleris-rave, oignons, poireaux… peuvent être protégés efficacement contre les ravageurs des racines par des filets constitués de petites mailles laissant passer la lumière solaire, l’air et l’eau d’arrosage. J’ai constaté que les filets en polyester et polyéthylène (par exemple de la marque Diatex) sont plus résistants aux UV que ceux fabriqués en polyamide, vendus dans certains magasins de jardinage. Ces filets empêchent de nombreux insectes adultes de pondre sur les collets des végétaux ou sur le sol à proximité de ces végétaux. Ils constituent une barrière mécanique contre les papillons, mouches, thrips …., en fonction de la dimension des mailles retenues.
La plupart des filets proposés pour du maraîchage en plein champ permettent une bonne aération avec un effet de serre très limité. Plus la taille des mailles des filets se resserre pour s’adapter aux dimensions des insectes, plus on constate une augmentation de la température et de l’humidité à l’intérieur de ces abris.
Tous les essais que j’ai entrepris ont montré que pour les légumes racines, des mailles d’un millimètre interdisant le passage de mouches et papillons adultes, constitue un bon compromis pour la protection des racines avec une augmentation de la température interne acceptable (environ 1 degré). Ces filets protègent également les tiges et feuilles contre les criquets, escargots, chenilles et asticots de bioagresseurs. En dessous d’un millimètre, on risque de se retrouver avec des hausses de température interne problématiques pour certaines plantes tout au moins en région PACA (non vérifié pour les autres régions).
Bien qu’un filet anti-insecte permet à l’air de circuler, le niveau d’humidité provenant de l’évaporation de l’eau du sol est plus important à l’intérieur de la protection y compris en plein été en région PACA. Ce niveau d’humidité dépend de la dimension des mailles et de la quantité d’eau apportée par l’irrigation. L'excès d'humidité se manifeste quelquefois sur le sol par l’apparition d’algues unicellulaires vertes. Il faut en tenir compte pour certains légumes tels que les salades qui supportent difficilement une atmosphère humide. Pour réduire l'humidité à l'intérieur des protections, il est préférable d’utiliser le goutte-à-goutte plutôt qu’un arrosage par aspersion. Les filets anti-insectes peuvent être repliés quand on constate une réduction significative des bioagresseurs au début de l’été tels que les pucerons.
Le filet anti-insecte est certainement le mode de protection le plus efficace permettant de s’abstenir des traitements phytosanitaires utilisés depuis de nombreuses années pour lutter contre les bioagresseurs des racines. Pour les cultures de longue durée avec conservation sur le terrain en hiver (tel que les carottes comprenant une protection contre le gel). On peut constater l'existence de quelques dégâts probablement causés par l'introduction accidentelle de bioagresseurs quand par exemple les filets sont repliés quelques heures pour effectuer un désherbage.
Certains bioagresseurs nécessitent la pose de filets avec des mailles plus serrées. L’aleurode du tabac (Bemisia tabaci) est un ravageur polyphage des cultures qui s’est établi récemment en méditerranée. En cas de nuisance, une protection mécanique contre ce bioagresseur nécessite la pose de mails dont les trous sont inférieurs à la dimension du thorax de l’animal soit environ 0,20 mm.
Sans rotation des cultures, ces filets sont peu inutiles surtout si vous installez pour la première fois une protection au-dessus d’un sol qui a déjà reçu des légumes racines infectés. À l’intérieur des protections, quand les pulpes de bioagresseurs enterrées dans le sol donneront des adultes, ces derniers seront protégés contre leurs propres prédateurs. Toute mauvaise herbe censée abriter des bioagresseurs doit être enlevée de la parcelle où seront installés les tunnels de protections. La propreté du sol est un élément essentiel afin de réduire le risque d’apparition de bioagresseurs polyphages à l'intérieur des protections. C'est par ex le cas des radis qui prendront quand même l'asticot si la moutarde des champs est présente sur le terrain avant la pose des filets.
Pour les mêmes raisons, l’apport de matière organique n’est possible qui si celle-ci ne contient pas de pulpe de bioagresseur ; pour cela, il faut épandre du compost affiné ayant connu une phase thermophile (voir l'article sur la production de compost à chaud). D'autres insectes plus ou moins utiles dont les larves passent l'hiver dans le sol peuvent également apparaître à l'intérieur des filets.
Les filets anti-insectes sont d’autant plus utiles que certains insectes sont devenus résistants à certains pesticides. Ainsi, la mouche de l’oignon ou de la carotte est souvent résistante aux insecticides chlorés. La plupart des insecticides homologués susceptibles de détruire des œufs et larves de bioagresseurs des légumes racines sont réservés aux agriculteurs professionnels en raison de leur toxicité. Les filets anti-insectes permettent ainsi de s’affranchir de ces produits phytosanitaires.
Ces filets qui laissent passer l’air et la lumière permettent un arrosage par aspersion. N’achetez pas de filets sur un site internet si la dimension des mailles n’est pas connue. Ces filets doivent avoir une largeur suffisamment large pour être maintenus par des arceaux de 2 mètres afin de ne pas trop compresser les feuilles. On peut aussi introduire à l’intérieur des filets un arrosage par le goutte-à-goutte.
Noctuelle sur un filet anti-insectes protégeant des carottes
Le prix et la qualité de ces filets sont très variables d’un fournisseur à un autre. Certains filets présentent des fils plus gros que d’autres, ce qui ne garantit pas qu’ils soient plus solides. Un filet anti-insectes doit être à la fois solide et léger (résistant aux clips de fixation sur les arceaux), transparent (on doit distinguer les végétaux à l’intérieur de la protection) et laisser facilement passer l’eau d’arrosage et éviter une montée en température excessive à l’intérieur de la protection. La dimension des mailles doit être régulière. Certains filets sont réutilisables plusieurs années après avoir supprimé des éventuels petits trous. Ces ouvertures apparaissent de temps à autre et ils peuvent être colmatés à l’aide d’une goutte de colle PVC connue pour résister à l’eau en vente dans tous les magasins de bricolage. Cette colle n'adhère pas aux fibres ; elle colmate les petits trous par emprisonnement des fibres pour former une structure suffisamment solide et étanche. L’origine de ces petites ouvertures est souvent accidentelle suite aux manipulations du cultivateur, ou provoquées par des animaux comme les chats, voire probablement des insectes et autres animaux qui cherche à s’introduire à l’intérieur de la protection.
Voici une adresse internet que je recommande vivement où l’on peut obtenir des filets anti-insectes de très bonne qualité ainsi que des arceaux et des clips de fixation ; cliquez ici
Il est préférable d’utiliser le Filet anti-insectes Biotex - 40gr/m² dont la durée de vie est de 3 ans au minimum.
À noter que certains maraîchers utilisent des filets anti-insectes sans arceaux et posés directement sur les cultures ; plus d’informations en cliquant ici
Les filets anti-insectes se déchirent facilement au niveau des systèmes de fixation basse reposant sur le sol quand par exemple on utilise des planches de bois pour empêcher les bioagresseurs de pénétrer dans l’abri. Les mauvaises herbes ont tendance à pousser à ces endroits et leurs racines prises dans les mailles s’enlèvent difficilement. Il faut donc enlever dès que possible toute plantule qui viendrait à se fixer dans les mailles.
En fin de saison de culture, le pourtour des filets anti-insectes se nettoie facilement au jet d’eau.
La durée de vie d'un filet anti-insectes est d’un à trois ans selon le modèle. Toutefois, j'ai constaté qu'un bon entretien permet de les utiliser plus longtemps.
Ci-dessous, une liste de quelques légumes que l’on peut facilement protéger avec des filets anti-insectes. Une description sommaire des bioagresseurs des racines les plus courants est également précisée.
Les filets anti-insectes sont efficaces pour lutter contre l’altise qui produit de petits trous sur les feuilles. Ils empêchent l’installation de l’asticot de la mouche Delia radicum qui sévit aussi sur les crucifères et les radis. Les premiers dégâts apparaissent surtout en mai. Les altises sont des petits coléoptères qui trouvent asile dans l’herbe et les crucifères sauvages. C’est pour cette raison qu’il faut enlever toutes les mauvaises herbes là où seront posés des filets anti-insectes si vous ne voulez pas transformer une protection en élevage d’altises à l’abri de leurs prédateurs. Les filets anti-insectes sont nécessaires tout au long de la culture ce qui permet d’obtenir une protection particulièrement efficace contre ces bioagresseurs dévastateurs sans utiliser une seule goutte de pesticide bio ou synthétique.
À noter que des altises risquent d’apparaître dans les abris si des navets en godet ont été cultivés à l’air libre. Les œufs des altises étant minuscules, il est impossible de les détecter. Il est préférable que des graines de navet soient semées directement sous abri.
Céleris raves protégés par un filet anti-insectes
La mouche du céleri (Philophylla heraclei) mesure 5 à 6 mm et la femelle pond environ 150 œufs par petits groupes sur les feuilles. Les larves se développent entre 25 à 30 jours. Elles forment des excavations formant des taches blanches appelées « mines ». Les excréments brillent par transparence entre les deux épidermes de la feuille. Lors d’attaque importante, les larves creusent des galeries dans les pétioles. La première génération d’adultes volants apparaît en mai et la deuxième en juin-juillet. On peut enlever les filets vers le 15 août, mais, dans ce cas, on expose le céleri aux mouches de la carotte.
L’asticot de la mouche de la carotte (Psilia rosae) est un ravageur redoutable des cultures maraîchères. L’adulte mesure 4 à 5 mm de long. Les œufs sont invisibles, isolés ou regroupés en tas dans le sol. Les larves creusent des galeries dans les racines, ce qui les rend impropres à la conservation. Ce ravageur est polyphage et peut migrer vers d’autres légumes comme le panais, le céleri et quelquefois le persil. La pulpe hiverne dans le sol à proximité des parcelles cultivées qu’elle a envahies. La première génération sort au printemps de manière échelonnée jusqu’en juillet. Une deuxième génération sort à partir de septembre. Il peut même y avoir une troisième génération en automne. En région PACA, le feuillage de la carotte peut être attaqué par différentes noctuelles dont la Spodoptera littoralis (Spodoptera exigua) très polyphage.
En hiver, les carottes se conservent très bien en plein champ si elles sont protégées des gelées par une couverture de paille ou de tonte de pelouse. En région PACA, j’ai quelquefois constaté des sorties de mouches de la carotte en plein hiver lors de journées ensoleillées et plus chaudes. Dans les semaines qui suivent, les racines sont envahies de larves. Pour cette raison, il ne faut pas enlever les filets anti-insectes à l’automne et en hiver tant que la récolte de carottes n’est pas terminée.
À noter que les adultes de Spodoptera littoralis se nourrissent de pollen et de nectar et on peut les rencontrer dans les haies surtout quand elles sont pourvues d’essences florales (comme le laurier rose très présent en région PACA). Abandonnez toutes les infusions du moyen-âge proposées ici et là à base d’orties, d’absinthe, de tanaisie, de fougère… dont l’efficacité est nulle. Seuls les filets anti-insectes assureront une protection efficace durant toute la période de culture.
Quelques noctuelles adultes peuvent apparaître sous les filets anti-insectes provenant par exemple de chrysalides introduites accidentellement lors d’un épandage de compost ou d’une précédente culture non protégée, de pontes d’œufs sur les filets et introduction des larves par une ouverture accidentelle... Les chenilles n’étant pas toujours visibles à travers les filets, la prédation se remarque surtout quand l’adulte volant cherche à sortir de la protection. Il faut alors inspecter la culture. Si des chenilles défoliatrices sont présentes, on peut tenter de les détruire avec une pulvérisation d’huile de colza estérifiée sauf si vous avez introduit des coccinelles pour lutter contre les pucerons (voir ci-dessous : recommandations importantes). Quand la plantation de carottes n’est pas très importante, ce qui est souvent le cas dans des potagers de particulier, les larves de noctuelles, qui sont souvent peu nombreuses sous les filets anti-insectes, peuvent être détruites à la main.
Les poireaux, les oignons sont souvent attaqués par la larve d’un papillon, l’acrolepiopsis assectella (Acrolepia assectella), ou d’autres noctuelles comme l’ipsilon (Agrotis ipsilon aneituma) et la noctuelle des moissons (Agrotis segetum) que l’on rencontre aussi sur la betterave sucrière, la pomme de terre et les céréales.
Tous les alliums sont menacés par l’acrolepiopsis encore désigné teigne du poireau, ou verre du poireau ce qui prête à confusion avec deux autres bioagresseurs du poireau : la mouche mineuse et la mouche de l’oignon. En ce qui concerne la teigne du poireau, le papillon adulte apparaît en avril-mai. Les femelles pondent des œufs sur les feuilles de la plante hôte puis s’enfoncent dans le fût pour former des galeries. Les chenilles deviennent à leur tour des adultes qui produiront une nouvelle ponte entre juin et mi-août. Selon les conditions climatiques, une troisième génération peut avoir lieu entre fin août et fin septembre. La mouche mineuse cause des dégâts particulièrement importants depuis son arrivée en France.
La mouche de l’oignon (elia antiqua) est un diptère mesurant 5 à 6 mm de long qui a la particularité de produire des asticots qui affectionnent la base des racines et des feuilles. Des bactéries s’installent dans les galeries, provoquant la pourriture des tissus. On peut observer jusqu’à 5 générations au cours d’une saison de culture.
Les alliums sont quelquefois attaqués dès avril - mai par le « criocène de l’oignon » qui est un coléoptère très reconnaissable par sa couleur rouge. À partir du mois de juin, les larves dévorent les feuilles.
En région PACA comme dans tout le pourtour méditerranéen, sévit à partir de mai le charançon brachicère qui affection l’ail, mais peut aussi attaquer d’autres bulbes.
En l’absence de filet protecteur, il est bien difficile de protéger les alliums contre tous ces bioagresseurs. Pour éviter l’usage de pesticide, certains jardiniers amateurs utilisent de l’eau de javel diluée ce qui est aussi toxique pour la biodiversité du sol que les pesticides chlorés depuis interdits en France.
Les radis sont très souvent attaqués par l’asticot d’une mouche (Phorbia floralis) qui creuse des galeries dans les racines. En moins de 15 jours, les radis deviennent inconsommables. Pour cette raison, la culture des radis est souvent abandonnée par des jardiniers amateurs qui ne souhaitent pas protéger leurs cultures par un insecticide. Ils n’ont pas tors pour deux raisons :
Les radis ont un cycle cultural court et un traitement curatif à l’aide d’un insecticide est toujours problématique. Le choix de l’insecticide, la période et la manière dont cet insecticide doit être appliqué est du ressort d’un professionnel.
L’usage d’insecticides synthétiques ou bios est devenu obsolète, car il est très facile de protéger des cultures de radis par des filets anti-insectes. C’est probablement l’un des végétaux qui est le mieux protégé avec les filets anti-insectes. Avec ce type de protection, vous allez découvrir que la culture des radis est devenue une culture facile sans aucune perte, quelle que soit la variété. Comme pour tous les autres légumes protégés par des filets anti-insectes, l’absence de bioagresseur à l’intérieur des protections n’empêche pas la rotation des cultures.
Les légumes racines ne sont pas les seuls végétaux qui peuvent être protégés par des filets anti-insectes. Tous les légumes qui ne nécessitent pas d’être pollinisés peuvent être protégés par ces voiles. Et c’est le cas de toutes les variétés de salades. Celles-ci sont souvent attaquées par des chenilles de papillons (noctuelles défoliatrices) surtout la chenille de l’Autographa gamma qui est un papillon de nuit ; sa chenille de couleur vert clair dévore les feuilles de salade.
Les salades sont fréquemment victimes de plusieurs espèces de pucerons comme le Nasonovia ribisnigri couramment appelé puceron de la laitue. Ces pucerons passent facilement à travers les filets anti-insectes quand la dimension des mailles est d’un millimètre. Il faut alors introduire quelques prédateurs de pucerons pour neutraliser ces attaques (voir l'article : importation d’insectes utiles contre les pucerons).
D’autres pucerons attaquent les racines de salades (pucerons lanigères de la laitue). Les dégâts sont peu visibles et se caractérisent par une réduction de la croissance du végétal. C'est surtout durant l’arrachage des salades avec leurs racines que les dégâts racinaires sont observés. On découvre alors de très nombreux insectes blanc-jaunâtre le long des racines. Ces insectes portent une touffe assez bien visible ayant l’apparence d’un lainage. Ce puceron est aussi capable de transmettre le virus de la mosaïque de la laitue.
Les légumes présentant une période de floraison
La protection des cultures de haricots et des pois à l’aide de filets anti-insectes ne peut être effectuée qu’en dehors de la période de floraison sauf si des pollinisateurs sont introduits dans l'abri. Dès l’apparition des premières fleurs, il faut enlever les filets pour laisser agir les insectes pollinisateurs. Durant cette période, il est impossible d’éviter l’installation de pucerons.
Avec la nouvelle réglementation sur l’usage des pesticides réservés aux particuliers, ces derniers disposent de peu de substances chimiques pour réduire la pression de ces pucerons, y compris en bio. Les préparations à base de pyréthrines nécessitent de renouveler très fréquemment les épandages avec le risque de se retrouver envahi de pucerons résistants à ce pesticide bio. Les pyréthrinoïdes de synthèse ayant une action plus longue sont plus efficaces, mais ils sont maintenant interdits et peuvent aussi induire une résistance. Dans la nomenclature des produits phytosanitaires de biocontrôle, des préparations contenant de l’huile de colza sont une alternative intéressante pour faire face à ce problème récurrent de la culture du haricot (voir l'article : les produits phytosanitaires de biocontrôle). L’huile de colza doit être utilisée début printemps quand les coccinelles ne sont pas encore actives. En dehors de cette période, l’importation de larves de coccinelles est souvent très efficace.
L’importation de syrphes adultes dans les abris permet d’éviter d’enlever les protections anti-insectes. Les syrphes adultes se nourrissent de pollen et de nectar et sont donc de précieux agents de pollinisation. Les syrphes apprécient certaines plantes comme le fenouil que l’on peut cultiver à cet effet, ou les fleurs de mauvaises herbes telles que dentelles de la Reine Anne, oxalides, moutarde des champs.... Un filet à papillons muni d'un manche télescopique réglable permet d’attraper facilement les syrphes adultes.
Recommandations importantes :
Les insectes parasites de racines passent partout. Il faut donc enterrer tous les bords des filets ou déposer sur ces derniers des obstacles en bois ou en fer avec un peu de terre pour boucher tous les passages pouvant être empruntés par les insectes adultes.
Avec les tunnels munis de filets anti-insectes, on se retrouve avec la même problématique que les cultures sous serre, notamment un risque important de développement de certains bioagresseurs qui arrivent pour diverses raisons à s'introduire à l’intérieur des protections. C'est notamment le cas des pucerons. Mais, ces derniers peuvent être facilement maîtrisés par des auxiliaires utiles.
Il est souvent impossible d’éviter une invasion de pucerons à l’intérieur des protections quand la dimension des mailles n'est pas régulière. D’autres ravageurs peuvent aussi s’installer sous les filets anti-insectes qui peuvent être contrôlés par des prédateurs spécifiques utilisés par les serristes. Plus de 60 espèces d’auxiliaires utiles sont maintenant accessibles pour des protections biologiques intégrées en vente sur des sites internet par exemple en cliquant ici ou encore ici.
Voici quelques exemples :
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Contre les aleurodes : L’acarien polyphage Swirski-Mite (Amblyseius swirski). Il se nourrit également de thrips et d’acarien tisserands.
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Contre les cochenilles : l’héminoptère paratisoïde Microterys flavus.
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Contre les Thrips : Les acarien de la famille des swirksi-mite ( Amblyseius cucumeris, Amblyseius degenerans) ou encore certaines punaises prédatrices appartenant à la famille des Orius connues pour être très voraces.
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Contre les acariens tisserands et larves de mouche mineuse : l’acarien Neoseiulus californicus (encore appelé Amblyseius californicus) naturellement présent en région méditerranéenne, la punaise Mirical (Macrolophus pygmaeus) ou encore certains paratisoïdes tels que Eretmocerus eremicus et Encarsia formosa.
Ces auxiliaires utiles sont souvent vendus en grosses quantités pour les serristes et doivent être renouvelés fréquemment.
Attention aux solutions proposées sur certains sites internet et livres sur jardinage qui n’ont jamais fait l’objet d’études scientifiques sérieuses comme les œillets d’inde pour éloigner les pucerons et autres insectes. Je n’ai jamais constaté que l’introduction d’œillets d’inde sous des filets anti-insectes réduit la population de pucerons. Au contraire, ces derniers continuent à se développer tranquillement tant que des coccinelles ne sont pas introduites dans l’abri. Si l’œillet d’inde ne prend pas facilement le puceron, cela ne veut pas dire qu’il protège les autres plantes par les substances odorantes qu’il émet.
Les pucerons sont vecteurs de maladies virales et la lutte contre ce bioagresseur est détaillée dans un autre article de ce site internet à cet endroit. Bien souvent, les feuilles des plantes protégées par des filets anti-insectes finissent par toucher les filets, ce qui attire certains bioagresseurs piqueurs qui pondent sur les filets. Les larves de pucerons étant plus petites que les adultes peuvent facilement s’introduire à l’intérieur de la protection en passant à travers les mailles. Protégés de leurs propres prédateurs, ces pucerons vont proliférer à un rythme infernal. Une récolte peut être perdue en quelques semaines si l’on n’intervient pas rapidement pour réduire leur prolifération. Les pucerons adultes ailés se déplacent vers le sommet des filets pour tenter de sortir à l’extérieur de la protection avertissant par la même occasion le jardinier qu’il se trouve déjà devant une invasion importante. Pour éviter ce problème, il faut respecter un modèle de prévision comportant au minimum les actions suivantes :
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Vérifier de temps en temps la base des collets, les tiges et la face arrière des feuilles. Si des larves de pucerons sont déjà présentes, il faut importer immédiatement des coccinelles. N’oubliez jamais que la coccinelle est l’allié du jardinier le plus efficace pour faire face à ce problème d'autant qu'il est facile de s'en procurer sur des sites internet. D’une manière générale, dès qu’une plante potagère touche un filet anti-insecte, il faut importer à titre préventif au moins 2 à 4 coccinelles par m².
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Ajouter dans l'abri des plantes produisant des fleurs pour nourrir les coccinelles quand la colonie de pucerons disparait.
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Il est important de vérifier si des prédateurs d’axillaires utiles ne se sont pas introduits dans la protection, notamment des araignées ou des fourmis. L’absence de reproduction de coccinelles introduite dans un abri où prospèrent des pucerons est souvent le signe de la présence de prédateurs de coccinelles. La présence d’une toile dans un abri indique forcément la présence d’une araignée qui ne manquera pas de se nourrir des auxiliaires utiles. Les nids de fourmis doivent systématiquement être recherchés et détruits à l’aide de pyréthrines. Ce traitement doit être effectué après un retrait provisoire des auxiliaires utiles.
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On peut aussi déposer tout autour d’une protection anti-insecte des petites barres en bois (ou en métal) revêtue de glue. Ce barrage doit être soigné, car le moindre passage non protégé permettra aux fourmis de déposer leurs phéromones de piste débouchant sur des galeries creusées sous les filets ou de petits trous laissés par le jardinier permettant ainsi à toute la colonie d’envahir la protection anti-insectes. La glue a l’avantage de ne pas être lessivée par la pluie ou le matériel d’arrosage.
Colonie de pucerons volants à l’intérieur d’un tunnel anti-insectes
En cas d’invasion importante de pucerons à l’intérieur des tunnels, il ne faut surtout pas enlever les filets tant que cette invasion n’est pas maîtrisée. Dans le cas contraire, la population de pucerons est telle qu’elle pourrait produire une véritable catastrophe écologique dans votre potager et chez vos voisins. Attention, les pucerons peuvent se déplacer sur de grandes distances (1) et certains sont devenus résistants aux pesticides (y compris les néonicotinoïdes maintenant interdits en France). On maîtrise facilement une invasion de pucerons en introduisant des auxiliaires utiles dans les tunnels même si cette invasion est importante.
Une colonie de coccinelles à l'intérieur d'un filet anti-insectes abritant une culture de carottes
Il faudra simplement plus de temps pour se débarrasser des pucerons. Vous constaterez que suite à l’introduction de coccinelles dans un tunnel anti-insecte, le redoutable puceron vert du pêcher connu pour être résistant aux pesticides, n’est plus un métier d’avenir. On peut aussi introduire d’autres insectes utiles mangeurs de pucerons comme les cécidomyies, les hémérobes, les larves de chrysopes si vous arrivez à en trouver. On peut commander des coccinelles dans certains magasins de jardinerie. Il existe aussi des sites internet où l’on peut se procurer des coccinelles comme le site de naturen accessible en cliquant ici (coccinelles à deux points ou Adalia bipunctata).
ou encore en cliquant ici pour obtenir des oeufs ou des larves de coccinelles.
Culture de navets sous tunnel anti-insectes envahie par des pucerons
La coccinelle à sept points (coccinnelles septempunctata) qui est maintenant élevée par des Stés spécialisées, est connue pour être très vorace et très polyphage inféodée aux pucerons se développant sur les plantes basses cultivées ou non.
L’import d'œufs ou de larves de coccinelles est plus intéressant quand il s’agit de protéger des plantes potagères en plein champ, ces larves ne pouvant s’envoler vers d’autres horizons si leur nouvel habitat ne leur plaît pas. Après un temps d’adaptation, les larves finissent toujours par prendre possession des lieux.
Les coccinelles sont très sensibles aux produits chimiques ; il ne faut pas utiliser de produits phytosanitaires conventionnels ou même bios avant ou après introduction des coccinelles dans les tunnels de protection.
Les coccinelles introduites sous abri anti-insectes ne peuvent s’échapper vers l’extérieur quand la population de pucerons se raréfie. Quand il n'y a plus de pucerons dans l'abri, étant particulièrement voraces, les coccinelles finissent par dévorer d’autres bioagresseurs présents dans l’abri comme l’aleurode du tabac. La coccinelle est donc un outil bien utile pour lutter contre tous les ravageurs susceptibles de s’introduire à l’intérieur des protections. C’est moins évident quand la coccinelle a la possibilité de voyager pour trouver sa nourriture favorite.
Syrphe
On peut aussi introduire le syrphe ceinturé (Episyrphus balteatus) présent dans la nature en grand nombre sur les fleurs sauvages ou des plantes cultivées par l’homme, l’adulte se nourrissant du pollen des fleurs. Ce diptère a été introduit en 1999 pour lutter contre les pucerons en culture de poivron sous serres. À 20°, en fonction de la population de pucerons, une femelle syrphe pond entre 500 et 1000 œufs à proximité de colonies de pucerons. Le taux de mortalité est élevé parmi les œufs, mais les larves sont très voraces. Les larves de syrphes ont un comportement passif vis-à-vis de leurs proies ; si leur nourriture disparaît, elles cessent de les chercher et attendent que leurs proies reviennent. Ce n’est pas le cas des larves de coccinelles qui se déplacent pour rechercher leurs proies. Pour cette raison les larves de syrphes contribuent moins que les coccinelles au contrôle d’une infestation de pucerons.
Les hémérobes adultes se nourrissent de pucerons. Quant aux chrysopes, seule la larve est prédatrice du puceron. Les chrysopes sont actives durant la période de mai à septembre au cours de laquelle 2 ou 3 générations se succèdent. On peut acheter des larves de chrysopes en cliquant ici.
En lisant ces lignes, le lecteur aura vite compris qu’un filet anti-insectes peut aussi servir d’abri pour élever des coccinelles, mais il faut tenir compte de plusieurs difficultés :
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La coccinelle étant très vorace, son introduction finit par détruire complètement les colonies de pucerons. Il faut alors introduire d’autres plantes couvertes de pucerons cultivées à cet effet (par exemple en pot). Sinon, les coccinelles vont mourir de faim. On peut aussi déplacer les coccinelles dans une autre protection envahie de pucerons. Il faut éviter d’introduire des coccinelles asiatiques dans une protection quand celle-ci a déjà reçu des coccinelles indigènes, car leurs larves seront dévorées par les coccinelles asiatiques même s’il existe des pucerons.
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Les coccinelles se reproduisent dans les abris tant qu’elles trouvent une nourriture abondante. Dans le cas contraire, les larves deviennent cannibales. Au final, si vous n’avez pas prévu une culture de pucerons pour alimenter de temps en temps vos coccinelles, leur population va se réduire. Il faut alors ouvrir les protections afin que les coccinelles puissent trouver leur nourriture dans un autre endroit. Il est prudent de conserver quelques coccinelles dans un abri anti-insecte. La libération des coccinelles est également nécessaire en automne dès l’apparition des premiers froids afin qu’elles puissent rechercher un abri pour hiverner.
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Quand les pucerons disparaissent à l’intérieur des protections, on peut aussi introduire des plantes à fleurs. Les coccinelles vont se nourrir du nectar, mais leur reproduction sera arrêtée.
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Les pucerons attirent les fourmis qui se nourrissent de leurs miellats. Les fourmis finissent par nidifier dans la protection constituant un problème majeur. Les fourmis protègent les pucerons contre les coccinelles et peuvent même dévorer leurs larves. On constate alors que la population de coccinelles ne progresse pas. En cas d’invasion massive de fourmis, il faut transférer l’élevage de coccinelles dans un autre abri. On peut aussi éliminer les fourmis en traitant leurs nids avec des nématodes en vente par exemple à cet endroit ou encore ici. Pour éviter ce problème fréquent, il est impératif de traiter les nids de fourmis situés sur toute la surface cultivée et surtout à proximité des abris.
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Les fourmis ne sont pas les seuls prédateurs qui peuvent s’introduire dans les abris en utilisant de minuscules trous ou en creusant des galeries. Un escargot ou un criquet ne manquera pas de se nourrir des plantes potagères et de se reproduire en produisant des pertes substantielles. Ces bioagresseurs sont introduits le plus souvent par accident lors de l’ouverture des filets par exemple lors d'un désherbage ou d'un éclaircissage de semi.
La culture sous un tunnel muni d’un filet anti-insecte abritant un assortiment de quelques navets, radis, salades et betteraves rouges est une bonne solution pour élever des coccinelles.
Pour la conservation des coccinelles en hiver, cliquez ici
1) Les pucerons -insectes N° 141 – INRA – Alain Fraval