Initiation aux méthodes intégrées au jardin potager
Chapitre : Le sol de culture
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⇒ Fertilité des sols ; l’apocalypse serait-elle pour demain ?
Selon un reportage diffusé sur France 2 le 31 janvier 2016 ayant pour titre « Les soigneurs de terre » (1) faisant la part belle aux théories de Claude Bourguignon ancien agronome de l’INRA, les sols cultivés en France seront bientôt incapables de nous nourrir. Dans ce reportage, on nous promet des lendemains catastrophiques. En zone tempérée, les conséquences néfastes des labours seraient progressives et passeraient même inaperçues. Pourtant, depuis plusieurs années, les productions en agriculture conventionnelle sont toujours optimales. Alors, comment expliquer cette catastrophe imminente ?
Les cultures sont boostées par les engrais minéraux et le travail du sol donnant l’impression d’une amélioration de la fertilisation, en réalité les résultats obtenus seraient trompeurs, car les sols s’appauvriraient suite à la raréfaction de l’humus. Les paysans comme les consommateurs sont victimes de mensonges. L’agriculture d’aujourd’hui détruit la terre. Elle sert à engraisser un système au détriment de la vie. L’agriculture conventionnelle consiste à maintenir en vie des plantes dans des sols morts qui sans pesticides et engrais sont condamnées à disparaître. Les sols agricoles sont épuisés par la généralisation d’une agriculture intensive et les dernières bonnes terres se réduisent comme peau de chagrin. Des analyses de certains sols ont montré que leur fertilité serait comparable à celle du Sahara. La France est en danger, menacée de se couvrir de champs infertiles dans le prochain quart de siècle.
Le travail du sol est aussi utilisé par des jardiniers amateurs à l’aide d’une motobineuse ou d’une bêche, et ils emploient quelquefois des engrais minéraux. On peut donc en conclure que ces jardiniers amateurs sont également responsables de la dégradation des sols de culture. L’ont-ils vraiment constatée ? Cette vision apocalyptique est-elle réaliste ?
Si un sol labouré est vraiment mort et incapable d’assurer ses fonctions biologiques, il est facile de le mettre en évidence par une expérience toute simple avec 3 bocaux, des échantillons de terre et de l’urée perlée utilisé comme engrais en agriculture. Cette expérience est décrite à la fin de cet article.
Variation de la teneur en carbone organique entre les périodes 1995-1999 et 2000-2004 par canton
Sir Albert HOWARD estimait il y a déjà près d’un siècle que les sols s’épuisent et ce discours est donc repris 80 ans plus tard par tous ceux qui sont convaincus que l’agriculture moderne détruit la planète. Rien de nouveau en définitive si ce n’est la répétition d’une vieille théorie.
En ce qui concerne les conséquences du travail du sol, qu'en est-il des pertes en carbone des sols cultivés en France ?
Entre les périodes 1995-1999 et 2000-2004, la teneur en carbone organique des sols a diminué dans 21,4 % des cantons de France métropolitaine comprenant surtout des zones de cultures intensives où prédomine la monoculture de céréales (notamment le bassin Parisien et le nord de la France). A contrario, la teneur en carbone organique des sols est stable ou progresse dans 48 % des cantons (dont 10 % de progression) (2) . La situation en France n’est donc pas si dramatique, même s’il est nécessaire de revoir certaines pratiques agricoles dans les zones de cultures intensives.
Quand les pratiques agricoles sont bien menées comprenant des engrais synthétiques et même des labours, il ne manque pas d’exemples qui démontrent que le sol peut s’enrichit en humus y compris quand sa structure d’origine est déplorable :
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Dans la vallée de l’Asse située dans le département des Alpes de Haute-Provence, des céréales sont cultivées sur des sols pauvres saturés de graviers et de caillasses comme le montre la photo à gauche.
Champ rempli de cailloux - vallée de l'Asse (Alpes de Haute-Provence). On distingue des résidus de culture après récolte.
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Dans la région d'El Oued en Algérie, des plantes sont cultivées en plein désert dans des champs circulaires. La wilaya d'El-Oued est positionnée en tête des wilayas du sud de l’Algérie dans les cultures agricoles notamment de primeurs, de dattes, de céréales, de pommes de terre, d'arachides et de cultures maraichères. Les successions de cultures de blé et de pommes de terre s’accompagnent d’une augmentation de la teneur en carbone du sol (en grande partie assurée par les chaumes laissés sur place après la culture de blé) (3).
Si vous survolez le désert d’Arabie, vous constaterez que ce désert est également parsemé d’énormes champs circulaires recouverts de blé.
On ne peut trouver de régions plus infertiles que ces déserts arides de l'Afrique. Et pourtant, des agriculteurs arrivent à faire pousser des céréales et des légumes. Comment un sol saturé de cailloux ou de sable peut-il s’enrichir en humus quand des engrais minéraux sont apportés ? Tout simplement par la décomposition de matières organiques provenant des racines et radicelles, et par le développement de la biomasse microbienne suite aux exsudats synthétisés par les plantes pour nourrir la rhizosphère (voir description du mécanisme à cet endroit). Le reste est apporté par les déchets de culture. Après une récolte, n’importe qui peut facilement constater avec une bêche fourche qu’un sol cultivé s’est enrichi en matières organiques provenant des racines qui persistent quelques semaines à quelques mois dans le sol (selon la nature des cultures) avant d’être décomposées par la microflore. On constate aussi que sur 20 à 30 cm de profondeur les vers de terre pullulent se nourrissant des résidus de culture même si le sol a été travaillé et a reçu des engrais synthétiques. La population de vers de terre est d’autant plus importante quand des couvertures végétales sont effectuées en interculturel ou quand le sol a reçu du fumier et/ou du compost.
Dans le reportage de France 2 du 31 janvier 2016, un agriculteur de la Sarthe converti à l’agriculture biologique sans labour présente une motte de terre prélevée dans un champ couvert de végétaux de couverture. Dans cette motte de terre frétille un ver de terre que s’empresse de cueillir Stéphane Le Foll, ex-ministre de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. L’on peut tout aussi effectuer une telle démonstration dans des terres correctement cultivées selon les méthodes traditionnelles surtout quand l’humidité est suffisante et qu’on n’est pas en période de canicule (qui obligent les vers de terre à s’enfoncer dans le sol pour se protéger contre la chaleur). Des jardiniers et des maraîchers qui n’ont jamais constaté que leurs parcelles cultivées se transforment en désert, ont dû bien se marrer en regardant cette émission de TV. Il est évident que cette émission ne s’adresse pas à eux. Elle vise surtout la majorité des Français qui habitent dans les grandes villes et qui n’ont aucune expérience en agriculture, et les quelques adeptes des différentes chapelles de l’agroécologie non scientifique prêts à avaler n’importe quoi.
Dans le reportage de France 2, on apprend que dans un système de culture caractérisé par l’usage des couvertures végétales et l’absence de travail du sol, il faut au minimum 5 ans pour restructurer un sol et 10 à 15 ans pour retrouver des rendements acceptables. Mais, il y a d’autres méthodes tout aussi efficaces et bien plus rapides par exemple les épandages de composts fabriqués à partir des déchets d’une ferme de culture et d’élevage, le broyage sur place des pailles, l’enfouissement des couvertures végétales réalisées en interculture…. Faut-il encore estimer correctement la perte réelle d’humus tous les ans qui dépend de plusieurs facteurs comme le climat, la structure du sol, le mode et la fréquence du travail du sol, l’existence d’une irrigation en été, le type de culture et comment sont effectuées les rotations….
Ce test consiste à vérifier si la microflore d’un sol qui a été labouré est encore capable de produire des nitrates à partir de l’urée qui est une substance naturelle présente dans les urines, mais qui est aussi synthétisée et vendue comme engrais pour enrichir les sols en azote.
Procurez-vous 3 bocaux munis de leur caoutchouc et couvercle de fermeture. Stériliser ces trois bocaux pour détruire tous les microbes. Porter à ébullition de l’eau distillée ou provenant d’un osmoseur afin de détruire également les microbes qu’elle pourrait contenir. Attention ; l’eau du robinet peut contenir des nitrates. Si vous utilisez cette eau à la place de l’eau distillée, vos mesures seront faussées.
Concentration de nitrates dans le bocal de droite apparaissant sous la forme d'un voile rouge au-dessus de la terre. Le bocal de gauche a reçu la même dose d'urée qui n'a pas évolué pour produire des nitrates. Le bocal du centre n'a pas reçu d'urée.
Prélevez un échantillon de terre de jardin à environ 20 cm de profondeur et à un endroit qui n’a pas reçu de fumure depuis au moins 1 mois. Introduisez cet échantillon dans deux bocaux (environ 1/3 du bocal). Dans les 3 bocaux, verser l’eau distillée quand sa température est retombée à environ 25° de manière à ce que chaque bocal soit rempli à ½ de son volume. Dans le bocal ne contenant que de l’eau et dans l’un des deux bocaux contenant de la terre, ajouter une grosse pincée d’urée perlée. Ne pas utiliser d’urine qui contient des microbes aérobies et anaérobies et qui se décompose très vite pour dégager une odeur d’ammoniac. Ou alors, utiliser de l’urine pasteurisée si votre cortex cérébral est allergique aux engrais synthétiques.
Placez les bocaux dans une pièce dont la température est environ 20° et attendez une dizaine de jours. Au bout de ce délai, vous constaterez ceci :
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Le bocal contenant de l’eau et de l’urée (qui sert de bocal témoin) ne présente aucune modification de couleur. L’urée n’a pas été transformée en nitrates.
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Dans le bocal contenant de la terre et de l’urée, on constate la formation d’un voile rougeâtre en suspension dans l’eau situé au-dessus de la terre comme le montre la photo ci-dessus.
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Dans le bocal contenant de la terre, mais pas d’urée, on ne constate pas la formation de ce dépôt.
On peut mesurer la teneur en nitrate dans les bocaux à l’aide d’un ruban test de laboratoire. Il est possible que le bocal témoin contenant de la terre contienne un reste de nitrate provenant d’une fumure ancienne qu’il faut alors comparer avec l’autre bocal ayant reçu de la terre et de l’urée.
1) Soigneurs de terre – France info – 24-1-2016 - http://www.francetvinfo.fr/replay-magazine/france-2/13h15/13h15-du-dimanche-31-janvier-2016_1283737.html
2) Ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer - La matière organique des sols et le stockage du carbone
3 https://algeria-watch.org/?p=13923
4) Selon le tableau « quantité d’humus stable fourni par les résidus de récoltes de quelques produits de grandes cultures et engrais verts » publié dans « la fertilisation des cultures légumières » du CTIFL p 30
5) MUR²E : un outil d'aide à la préparation du compostage ; http://www.ctifl.fr/Pages/EspacePro/Production.aspx?mode=agronomie
6) Gregorich et al., 1996 ; Triberti et al., 2008