Initiation aux méthodes intégrées au jardin potager
Chapitre : Biocontrôles
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⇒ Les rotations de cultures.
Les rotations n’ont aucune utilité contre les insectes volants comme les pucerons. Les rotations sont utiles contre les bioagresseurs telluriques (qui vivent naturellement dans le sol) essentiellement des champignons et des bactéries. Les rotations de cultures ont un impact limité sur les larves d’insectes qui hivernent dans le sol, car les adultes volants peuvent facilement migrer vers leurs hôtes situés à proximité. Toutefois, dans une rotation, plus les parcelles sont éloignées, plus la pression des larves de ravageurs qui hivernent dans le sol est réduite. En définitive, les rotations ont pour objectif d’éviter l’accumulation dans le sol de spores d'agents phytopathogènes et secondairement de larves de ravageurs.
Voici quelques exemples de maladies bactériennes et cryptogamiques qui peuvent être réduites par les rotations de culture :
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Si la tomate est moins sensible au mildiou dans le sud-est de la France, elle ne peut échapper à d’autres bioagresseurs comme l’alternariose (maladie des taches brunes) - une maladie relativement fréquente où les conditions atmosphériques et l’humidité jouent un rôle important. L’alternariose est favorisée par une atmosphère chaude et humide. Cette infection causée par un champignon (Alternaria dauci f. sp. Solani) est souvent confondue avec le mildiou qui ne présente pas de trace concentrique, ou le flétrissement (provoqué par un stress physique, d’autres agents pathogènes pas forcément dramatiques, le vieillissement de la plante, une prédisposition liée à une érosion génétique).
Début d’alternarioze sur feuille de tomate apparaissant sous la forme de taches brunes et concentriques.
L’alternariose se caractérise par l’apparition de taches noires plus ou moins circulaires sur les feuilles et les tiges. Les feuilles se dessèchent rapidement. L’extension de la maladie produit une défoliation du plan. Les feuilles malades finissent par tomber sur le sol pour ensuite se décomposer et produire des résidus organiques contenant des spores de l’alternariose. Or les spores de ce champignon sont très résistantes et peuvent survivre plus d’une année dans des débris végétaux présents dans le sol. Il faut donc éviter de cultiver tous les ans des tomates au même endroit ainsi que d’autres solanacées (pommes de terre, aubergine, piments..).
L’alternariose peut aussi infecter d’autres légumes comme les carottes et les concombres. Il est vivement recommandé d’effectuer une rotation tous les 3 ans, voire 5 ans. Il faut aussi éviter que l’une des parcelles se retrouve juxtaposée par rapport à une autre qui aurait reçu des tomates l’année précédente. Une attaque d’alternariose sur la tomate est quelquefois explosive, ce qui demande une réaction rapide du jardinier.
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Pour éradiquer l’alternariose, il n’y a pas d’autre solution que l’usage d’un traitement antifongique administré à cadence fixe. En cas d’épidémie, toute la culture peut être infectée et souvent, il n’est plus possible de cultiver la tomate les années suivantes. Les rotations de culture et le choix variétal permettent facilement d’éviter l’alternariose. Il existe en effet des variétés moins sensibles à cette maladie (hybride F1).
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Certaines variétés de carottes (Dordogne, Laguna) sont également très sensibles à l’alternariose et d’autres sont plus résistantes (Maestro, Brillance, Bolero et surtout les hybrides F1).
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Les rotations sont aussi indispensables pour les légumes racines et les oignons qui prennent facilement l’asticot.
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En ce qui concerne la culture des navets, 3 ans sont nécessaires pour enrayer la pourriture provoquée par un champignon se traduisant par l’apparition d’une coloration noirâtre en surface avant d’atteindre les racines.
Malheureusement, beaucoup de bioagresseurs ont la faculté de parasiter plusieurs variétés de végétaux ce qui limite la portée des rotations. C’est le cas notamment de la verticilliose (agent phytopathogène des pommes de terre, aubergines, concombres, cornichons…), des nématodes à galle des racines (Meloidogyne) qui peuvent parasiter toutes les cultures.
Les rotations de culture sont plus difficiles à organiser dans un potager qu’en monoculture céréalière. Dans un potager les plantes se succèdent sur une même surface et il faut tenir compte de la proximité d’espèces incompatibles situées sur des planches voisines susceptibles d’abriter des bioagresseurs polyphages. Il faut donc dresser des priorités. En premier lieu, il faut sélectionner les plantes qui ne peuvent être protégées par un filet anti-insectes, puis celles qui sont souvent sujettes à des maladies telluriques. Les solanacées qui sont fréquemment cultivées (tomates, pommes de terre, aubergines, piments…) doivent être choisies en priorité. Viennent ensuite les cucurbitacées (concombres, melons, pastèques, courgettes…). Ces deux variétés de plantes potagères doivent être éloignées tous les ans par au moins une planche contenant d’autres légumes (échalotes, oignons, haricots verts, légumes-racines, salades…).
Exemple de rotation sur 5 ans
Il paraît que l’on peut réduire les risques de propagation des bioagresseurs en mélangeant les différentes espèces de légumes. Pour citer un exemple, dans une planche de culture des radis sont mélangés avec des carottes, des navets, des salades… Les odeurs de chaque légume perturberaient les bioagresseurs des autres légumes et vice versa. Ceux qui ont inventé ce dispositif ne savent certainement pas que la plupart des bioagresseurs sont polyphages et qu’en définitive, l’on risque de se retrouver avec un résultat inverse. En effet, dans un milieu aussi varié et bien fourni (les plantes étant très proches), comme dans la nature les bioagresseurs n’auront pas de soucis pour se nourrir et se développer passant d’une proie à une autre.
Il ne faut pas confondre rotations et associations agonistes ou antagonistes entre végétaux. Ces associations reposent souvent sur des observations empiriques rarement validées par des contrôles scientifiques. Et pour cause, dans la nature, beaucoup de bioagresseurs, surtout les plus agressifs, ont appris à reconnaître d’infimes quantités de substances odorantes émises par leurs proies qu’ils ne confondent pas avec les autres substances odorantes quelquefois émises en abondance par d’autres espèces végétales. Sinon, leurs lignées auraient disparu depuis longtemps faute de trouver leur nourriture.
Ces associations entre végétaux préconisées dans de nombreux livres de jardinerie et sites internet visant à éloigner certains bioagresseurs, peuvent en favoriser d’autres. Par exemple, il faudrait associer les cultures de carotte ou de céleri avec celle des oignons et des laitues, ces dernières plantes étant susceptibles d’éloigner la mouche de la carotte. Mais les oignons et les laitues attirent des pucerons polyphages qui adorent également les carottes. Ce type d'association a donc pour conséquence d'offrir plus de nourriture aux pucerons.
Néanmoins, quelques études ont montré que certaines plantes dénommées "plantes de service" ont la possibilité d’attirer certains bioagresseurs polyphages permettant ainsi de protéger d’autres plantes cultivées. Ces plantes de service sont cultivées à cet effet à proximité des cultures exportables avec un résultat plus ou moins intéressant. Par exemple certaines variétés de maïs cultivé en bordure des champs sont capables d’attirer spécifiquement des pucerons vecteurs du virus Y de la pomme de terre (provoquant la maladie des nécroses annulaires superficielles) (1). Le contrôle de la mouche Delia radicum des choux consommables par l’implantation à proximité du chou chinois Brassica rapa permet grâce à sa forte attractivité de détourner la pression du bioagresseur sur les choux consommables.
Malheureusement les médiateurs chimiques impliqués dans l’attraction des insectes vers les plantes offrent des perspectives encore peu exploitées pour piéger les insectes ravageurs.
1) Olfactory responses of Rhopalosiphum padi to three maize, potato, and wheat cultivars and the selection of prospective crop border plants ; Michelle L. Schröder et all 2015